The Myth of 100 Days

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Barack Obama a franchi la barrière symbolique des 100 jours aux applaudissements de la foule et aux louanges des leaders d’opinion médiatiques. Mais qu’est-ce que tout cela veut dire?

D’abord, que pour un jeune président sans expérience de gestion, il a traversé ces trois mois de tempête sans commettre d’erreur majeure. Ce qui explique qu’en pleine crise économique, alors qu’on déverse des milliards dans un baril percé de trous, il maintient une cote d’approbation de plus de 60% du peuple américain.

Mais c’est un chiffre dont la valeur est plus ou moins significative si l’on compare avec le passé. Ronald Reagan et Jimmy Carter dépassaient la cote de Barack Obama après le même laps de temps au pouvoir. George Bush n’en était pas très loin non plus. Ce qui signifie que ça peut dégringoler dangereusement. Carter a été défait dans sa tentative de réélection et Bush a quitté la Maison-Blanche avec l’insigne honneur d’avoir été le président le plus impopulaire de l’histoire. Six mois après son assermentation, Reagan avait chuté à 40% d’approbation.

La mesure des 100 jours est donc largement un mythe. En fait, c’est carrément une invention de Franklin D. Roosevelt, le seul président à avoir été élu pour quatre mandats consécutifs de 1933 à 1945. L’amendement constitutionnel limitant tout président américain à deux mandats a été adopté à la suite de son règne. Roosevelt était le père du New Deal, une averse de millions provenant du gouvernement pour sortir l’Amérique de la Grande Dépression.

FDR s’était imposé l’échéancier des 100 jours pour faire adopter une avalanche de nouvelles mesures liées au New Deal. Ce qu’il a fait. Mais, la vérité sur le New Deal est qu’il n’a pas donné les résultats escomptés et, qu’en fait, la Cour suprême a fini par juger inconstitutionnelles plusieurs de ses mesures. C’est la Deuxième Guerre mondiale qui a sorti les Américains de la crise.

Les leçons de l’histoire

Le président Obama a déjà deux guerres très impopulaires et très coûteuses sur les bras. Sauf pour les marchands de canons qui n’embauchent finalement pas beaucoup de monde. La guerre n’est plus un remède de relance économique pour un pays qui a perdu presque toute sa base industrielle. Elle a déménagé en Chine ou en Inde.

Roosevelt en avait aussi profité pour faire abolir la Prohibition, permettant à l’alcool de couler à flots dans les débits de boisson de la nation et mettant ses profits dans les mains des citoyens ordinaires, plutôt que des gangsters, et dans les coffres du gouvernement. La seule option qui s’ouvre à Obama de ce côté est de légaliser les drogues. Ce qui n’arrivera tout simplement pas.

Chose certaine, cependant, Obama a bien compris les leçons de l’histoire. L’impact réel de la légende des 100 jours est de leur en mettre plein la vue avant que le peuple ne change d’humeur. En somme, battre le fer de la victoire électorale pendant qu’il est chaud. C’est aussi de donner le ton à sa présidence, de communiquer quel type de leader il sera. Dans ce sens, lui et son équipe ont réussi au-delà des attentes. Obama semble tout simplement être partout et accomplir tout en même temps, ayant presque toujours l’air en pleine forme et en parfait contrôle de la situation.

Mais qu’adviendra-t-il de toutes ces graines qu’il a semées? La récolte pourrait facilement tourner d’une moisson fabuleuse à un champ de mines.

On peut déjà entrevoir les multiples embûches qui guettent Obama. Comme la grippe porcine qui leur tombe dessus alors qu’Obama n’a toujours pas nommé de Secrétaire à la Santé, ni de Médecin chef (Surgeon General), ni de Directeur du Centre de contrôle des épidémies. C’est la chasseuse de terroristes en chef, Janet Napolitano qui s’en occupe.

Mais la plupart de ces pièges potentiels sont finalement de la propre création du jeune président. Comme la publication de cet infâme mémo interne décrivant les différentes méthodes de torture utilisées contre de présumés terroristes par les agents de la CIA. Obama a décidé par souci de transparence de diffuser le document jusque-là secret.

Loin d’être fini

On soupçonne que cette histoire est loin d’être finie. Et elle a le potentiel de tourner très, très mal. En relâchant le mémo, Obama a précisé qu’on ne chercherait pas à trouver des coupables ni à les traîner en justice. Sauf que quelques heures plus tard, son propre Procureur général Eric Holder le contredisait en affirmant que «personne n’est au-dessus de la loi.» Holder répond du peuple américain, pas du président.

Et puis, l’influent sénateur Patrick Leahy, président du comité sénatorial de la justice, proposait la tenue d’une Commission d’enquête pour aller au fond de toute cette affaire. Pour trouver d’où et de qui provenaient les ordres d’utiliser la torture. Une tentative évidente pour remonter le courant jusqu’à George Bush et son vice-président Dick Cheney.

Obama avait de bonnes raisons de vouloir oublier et pardonner. Premièrement, parce qu’il est douteux que les Américains apprécient de se voir exposer aux yeux du monde comme autre chose que les «bons gars» de la planète. Mais surtout parce que le gâchis qui résulterait d’une enquête diviserait radicalement le peuple américain au point d’empêcher Obama d’agir sur ses initiatives beaucoup plus importantes.

Pendant ce temps, l’ineffable Dick Cheney déclare à qui veut bien l’entendre que Obama compromet la sécurité des Américains. On l’écoute plus ou moins… pour l’instant. Mais si par malheur l’Amérique était victime d’une autre attaque terroriste, la table est mise pour pointer Barack Obama du doigt.

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