Obama’s Real Challenge

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Cent jours de présidence Obama… et 6% de récession, un déficit public abyssal et la plus grande destruction d’emplois depuis trente ans. Exxon Mobil annonçait vendredi des résultats pires que prévu. Les deux questions qui brûlent toutes les lèvres aux Etats-Unis sont: “Are we at the bottom?” (“Sommes-nous au plus bas?”) et (“Où sont les pousses vertes” de la reprise?).

Comme en Europe, il y aura de longs mois où les résultats immédiats ne seront qu’une accumulation de mauvaises nouvelles, on attend les résultats de l’état des lieux des banques, le stress test. Et, dans le même temps, commence à poindre, plus tôt qu’en Europe, ce que nous avions appelé les “bourgeons”, l’arrêt de la dégringolade immobilière entamée voilà près de trois ans.

Pour Barack Obama, il ne suffit pas, comme il l’a dit lui-même, de “reconstruire les fondations”, de sauver le système financier. Le président américain doit aussi “réaménager la maison et sa décoration”, comme le montrent dans un petit bouquin très pédagogique, Patrick Artus, prof d’économie, et Marie-Paule Virard, journaliste (*).

Les mécanismes qui ont conduit au désastre sont connus: le rêve immobilier stimulé par des prêts faciles gagés sur des espérances de hausses de prix, le tout fourré, au sens propre du mot, dans des produits d’épargne opaques aux épargnants du monde entier. Une fois l’investissement, la consommation et l’emploi repartis, il faudra inventer une autre société. Ni plus ni moins. La crise actuelle marque la fin d’un modèle né dans le milieu des années 1980.

Premier trait: une désindustrialisation galopante par un transfert des usines dans les pays émergents. La société est devenue bipolaire avec, d’un côté, la multiplication des emplois de service et, de l’autre, l’élite dans les nouvelles technologies célébrées comme vecteur de la “modernité”. Avant même la déconfiture de l’industrie automobile, il y avait moins d’usines aux Etats-Unis, en proportion, qu’en France ou au Royaume-Uni. La classe moyenne, coeur de l’Amérique manufacturière, a disparu.

Deuxième trait: l’ascenseur social bloqué par une explosion des inégalités. Au sommet, la confiscation de la création de richesses par une minorité, en bas, un maintien fictif du pouvoir d’achat par l’endettement privé généralisé.

Troisième trait: la création du couple sino-américain. L’endettement du consommateur américain finance les produits chinois et l’endettement du pays. Aujourd’hui, la consommation américaine et donc la croissance chinoise sont soutenues par l’endettement public.

A Obama de reconstruire. De refaire des infrastructures collectives (transports, routes, écoles). De concevoir une croissance mieux répartie et plus protectrice de l’individu. Et de retrouver un moteur “réel”, sans doute une économie verte.

Tout repartira-t-il comme avant? C’est la question à plusieurs trillions de dollars, comme disent les Américains. La “nouvelle croissance” de Barack Obama peut engendrer la prochaine bulle. Ou engager un nouveau modèle. Une chose est sûre: de sa réussite dépend notre propre avenir. Sauver l’Amérique, c’est encore sauver le monde.

(*) Est-il trop tard pour sauver l’Amérique? (La Découverte)

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