Obama, or the Call for Reason

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Voilà déjà cent jours que Barack Obama occupe la Maison Blanche. C’est l’occasion d’un premier bilan dans la presse américaine. Preuve qu’un virage est bien en cours, les nombreux médias ultraconservateurs, dont la chaîne d’informations Fox News, enragent contre le nouveau président, qui n’a manqué aucune occasion de leur déplaire.

A l’extérieur, Obama a d’ores et déjà réhabilité le principe du multilatéralisme, et fait preuve d’une fermeté nouvelle envers le gouvernement israélien. En interne, il a mis fin à l’embargo décrété par son prédécesseur George Bush contre les centres de planification familiale à l’étranger, et s’apprête à profiter du départ à la retraite d’un juge de la Cour suprême pour le remplacer par un ou une juge libéral(e). Mieux, il vient d’annoncer que cette année, contrairement à la tradition, la Maison Blanche ne fêtera pas la journée nationale de la prière… Un vrai sacrilège dans cette nation en principe laïque mais toujours “Under God” (placée sous Dieu).

Inaugurée par Harry Truman et déplacée au premier jeudi de mai sous Ronald Reagan, cette journée donne lieu à de multiples événements religieux, dont une grande messe où l’on convie toutes sortes de religions et de chapelles à communier ensemble à la Maison Blanche. Pas cette année. Tollé garanti chez les associations religieuses. Pour calmer le jeu, le porte-parole de l’administration se sent obligé de rappeler que, bien entendu, le président prie tous les jours, et qu’il observera la journée nationale de prière, mais à titre privé. Des organisations laïques espéraient mieux. Elles regrettent que des officiels se joignent toujours aux célébrations organisées dans chaque Etat. Comme si le rôle des hommes politiques était d’inviter à prier. Il n’empêche : le signal donné par la Maison Blanche est un vrai acte de laïcité.

Bill Clinton s’était contenté d’une célébration a minima. Mais personne, depuis son instauration en 1954, n’avait osé profiter de cette journée pour marquer aussi visiblement une séparation entre le public et le privé à propos de la religion. Cet acte demande un certain cran en Amérique. Surtout quand on s’appelle Barack Hussein Obama, et que les renards (fox) conservateurs croient pouvoir renifler en chacun de vos gestes la preuve d’une appartenance secrète à l’islam. Encore récemment parce que le président américain s’est trop courbé devant le roi d’Arabie saoudite…

Le courage d’Obama s’explique en réalité par une longue quête identitaire, un esprit critique personnel et la proximité avec un christianisme progressiste opposé aux tentations dominatrices et intolérantes de la droite religieuse américaine. Dans son autobiographie, Les Rêves de mon père, le jeune Obama ne cache pas ses doutes et la façon qu’il a eue très tôt d’interroger la version créationniste de l’origine de l’homme. Plus tard, le sénateur de l’Illinois fera un véritable plaidoyer en faveur du sécularisme. Il est temps de dire que “l’Amérique n’est plus une nation chrétienne”, déclarait-il en 2006 : “Nous sommes aussi une nation juive, musulmane, bouddhiste, hindoue, et une nation de non-croyants.” A l’issue d’une campagne où ses adversaires ont régulièrement invoqué Dieu pour tenter de le délégitimer, il invitait les politiques à “traduire leurs préoccupations en langage universel plutôt qu’en valeurs spécifiquement religieuses”.

Une promesse qu’il tient lui-même. Il peut lui arriver de citer l’Evangile, comme presque tous les politiques d’un pays où l’art oratoire reste marqué par la prédication. Mais, contrairement à son prédécesseur, Barack Obama n’instrumentalise pas les références religieuses pour imposer un discours d’autorité ou flatter l’émotion au détriment de la raison. Il a promis l’espoir, pas un miracle. Avec lui, les Américains réapprennent à regarder la réalité en face. Tous ceux qui confondent un chef d’Etat avec un messie ou un prophète seront déçus in fine. C’est pourtant cette modestie, pleine d’un espoir rationnel, qui devrait rassurer.

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