Reasons Of State

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(Québec) Après avoir dit oui, Barack Obama dit non : il dit non à la publication d’une nouvelle série de photos montrant des sévices pratiqués par des soldats américains dans des prisons en Irak et en Afghanistan. Le revirement est spectaculaire. Mais il est totalement justifié.

Depuis mercredi, de grandes associations américaines de défense des libertés civiles s’étouffent d’indignation. Elles accusent l’administration Obama de se couvrir de honte en cachant des actes violents commis au nom de la guerre contre le terrorisme.

L’American Civil Liberties Union (ACLU) va même jusqu’à accuser l’actuel président de couvrir les crimes de l’administration Bush-Cheney. Faux! C’est un mauvais procès que lui instruit l’ACLU.

N’est-ce pas Barack Obama qui a ordonné l’interdiction de la torture – ce qui lui vaut déjà la haine farouche de la frange la plus radicale des républicains?

N’est-ce pas lui qui a autorisé, fin avril, la diffusion de quatre notes secrètes sur l’utilisation par la CIA de méthodes violentes et dégradantes censées faire parler des détenus soupçonnés de terrorisme? Un geste sans précédent. Ces méthodes ont été employées sous George W. Bush.

La lecture de ces notes confidentielles donne froid dans le dos. La précision toute technique des brutalités autorisées rappelle que même les plus grandes démocraties ne sont pas à l’abri des dérives.

Non, Obama n’a pas caché l’essentiel. Il a même dévoilé le pire : des manuels officiels d’exactions!

En fait, il n’existe qu’un seul argument qui pourrait militer en faveur de la publication de ces clichés. S’ils étaient dévoilés, ils aideraient de très nombreux citoyens à comprendre et à réaliser l’étendue des dérives commises. Une image vaut mille mots, dit-on. C’est vrai.

Il n’en demeure pas moins que, dans ce cas-ci et dans le contexte actuel, le poids des mots est suffisant. Il est préférable au choc des images.

La diffusion de ces clichés nourrirait encore davantage un sentiment antiaméricain dans certains coins du monde. Nous avons tous en mémoire les photos d’Abou Ghraib.

Elle donnerait du grain à moudre à des extrémistes qui n’attendent que cela. Elle bousillerait complètement l’important discours que Barack Obama prononcera le 4 juin en Égypte à l’adresse du monde musulman. Les dommages seraient considérables.

La seule faute d’Obama dans cette histoire a été d’acquiescer un peu trop rapidement à la diffusion de ces photos. Ce n’est pas seulement la raison d’État qui l’a finalement emportés. C’est le bon sens.

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