Demain jeudi, Barack Obama aurait dû rendre publiques les photos de prisonniers torturés en Irak et en Afghanistan par leurs geôliers américains. Or, après avoir écouté ses généraux, Barack Obama est revenu sur sa décision initiale, qui était celle de la transparence, en accord avec son premier geste de président élu: recriminaliser la torture.
Son acte de censure a été selon lui motivé par deux raisons. L’une est que les photos ne nous auraient pas appris davantage que nous ne sachions déjà. L’autre raison est que la divulgation de telles images aurait mis en danger les troupes américaines en Irak et en Afghanistan. Les clichés d’Abou Ghraib, lorsqu’ils sont apparus fin avril 2004, n’ont-ils pas fait monter d’un cran l’antiaméricanisme dans le monde?
Cette hypothèse de photos-boutefeux est combattue aux Etats-Unis mêmes. Certains y estiment que leurs ennemis les plus féroces n’ont pas besoin de prétextes pour être jusqu’au-boutistes. D’autres pensent qu’il faut tout montrer, tout dire, même ce qui peut nuire à la sécurité d’un pays. C’est à ce prix-là que les démocraties progressent.
Reste que la photo a un pouvoir immédiat de persuasion que n’a pas le texte. Avant avril 2004, des articles avaient décrit la torture pratiquée dans les prisons américaines. Personne n’avait réagi. Mais lorsque les images ont été publiées, l’indignation a été aussi subite que totale. C’est une affaire de langage: celui de la photographie est immédiatement compréhensible. Il se mémorise bien et tape fort. Barack Obama, la personne la plus photographiée au monde, le sait bien. Une photo est parfois une grenade dégoupillée. Montrer, ne pas montrer l’innommable: dur dilemme pour un président épris de liberté, y compris celle d’informer.
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