Welcome, Mr. Obama!

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Encore Barack Obama ? Oui, et même plus que jamais. Car la mobilisation des partisans de la paix au Proche-Orient dans le monde entier, notamment dans les pays où les communautés juives et musulmanes sont nombreuses, ne fait que commencer. Or, le président américain, après son discours si attendu du 4 juin au Caire, sera le 5 juin en France pour la commémoration du débarquement des alliés, le 6 juin 1944.

La semaine dernière, notre dossier a fait le point sur les rapports de Barack Obama avec Israël et avec les juifs. Nous avons souligné le rôle nouveau et positif joué par de nombreuses personnalités, aussi bien démocrates que républicaines, ainsi que par de multiples manifestes d’intellectuels pour aider le président américain à triompher de l’opposition de la puissante AIPAC (American Israel Public Affairs Committee ), soutien inconditionnel de la droite israélienne.

Il faut qu’il en soit de même chez nous. Je souhaite que, s’ajoutant aux discours officiels, certaines personnalités éminentes de la France intellectuelle et religieuse se prononcent avec éclat. Je souhaite aussi que le grand rabbin et les imams, que le CRIF et le Conseil Français du Culte Musulman – qui n’ont pas été jusqu’ici avares de déclarations partisanes – saluent les efforts de l’un des rares hommes qui peuvent arrêter le désastre et endiguer l’embrasement.

Le problème n’est pas que le lobby de l’AIPAC existe. Il est clair, désormais, que ce terme de « lobby », lourd de connotations antisémites dans le passé européen, n’a pas la même consonance péjorative aux Etats-Unis. Il y est considéré comme légitime que des groupes de pression déambulent dans les halls du Congrès pour influencer les parlementaires. Le groupe de pression le plus puissant est celui de la National Rifle Association, destiné à défendre la liberté pour chaque citoyen de posséder une arme.

Le problème est que le lobby de l’AIPAC s’est doté d’une incroyable capacité de pression sur le Congrès en prétendant, à tort, représenter cinq millions de juifs américains. On dira que ces lobbies sont jugés sur la cause qu’ils défendent. Mais la cause de l’AIPAC, éminemment plaidable au départ, est désormais devenue indéfendable. Il n’est plus question des arguments connus, comme le fait qu’Israël soit le pays qui incarne la glorieuse vengeance des martyrs de la Shoah et la seule véritable démocratie du Proche-Orient. C’est en effet le seul pays avec lequel les Etats-Unis puissent entretenir une complicité de civilisation et qui peut être pour eux un allié sûr dans une région où les empires sont instables et ou les leaders mettent souvent en cause les intérêts économiques et pétroliers de l’Occident.

Le constat, aujourd’hui, est simple, grave, déterminant : la puissance sans précédent du lobby pro-israélien est devenue désastreuse depuis qu’elle s’exerce non pas au profit de la défense d’Israël mais au service exclusif des orientations précises du Likoud, le parti de l’extrême droite israélienne. Or ce parti, qui déploie ses réseaux aussi bien à Washington qu’à Jérusalem – Barack Obama les a bien connus à Chicago dans sa jeunesse – mais qui ne représente pas l’opinion moyenne des juifs américains, est devenu un véritable Etat dans l’Etat.

On l’accuse d’avoir – avec les évangéliques et les « néocons » – contribué au déclenchement de la seconde guerre d’Irak et aux mensonges qui l’ont justifiée. On constate plus simplement que le Likoud s’oppose à tous les accords internationaux qui font obligation de procurer aux Palestiniens les moyens de se construire un Etat viable et souverain. Il s’oppose surtout, pour le moment, à toute concession sur le gel des implantations et sur le rapatriement des colons que l’on n’a jamais cessé d’installer en Cisjordanie.

Or c’est une question sur laquelle Barack Obama n’est aucunement prêt à transiger après les engagements solennels qu’il a pris auprès de Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité Palestinienne, comme auprès du président égyptien et des souverains jordanien et saoudien. Lorsque Barack Obama a pris conscience qu’il aurait à affronter les positions officielles des leaders israéliens et surtout de leurs puissants alliés de Washington, il s’est dit que son recours le plus sûr était de disposer de l’appui d’un grand nombre de juifs américains. C’est dans cet esprit qu’il a procédé à la composition de son état-major personnel. Ce n’est pas seulement pour ses talents reconnus et célébrés qu’il a fait de Rahm Emanuel le chef de cet état-major.

Filsde parents israéliens, Rahm Emanuel a grandi à Chicago et, dans un article publié sur le site de « Newsweek » le 23 mai dernier, nos confrères se sont livrés à un inventaire très informé de tous les engagements du bras droit d’Obama dans l’univers juif et dans le monde israélien. Il ressort de cette passionnante analyse que Rahm Emanuel était probablement la personnalité juive la plus à même de dire la vérité aux Israéliens et de convaincre le maximum de juifs américains. « Emanuel a, par le passé, adopté des positions modérées, voire joué les colombes. En novembre 2002, il a été l’un des deux membres juifs de l’assemblée à signer une résolution appelant à soutenir les accords conclus à Genève dix ans plus tôt. Conseiller de Bill Clinton, Emanuel a été, dans l’ombre, l’organisateur de la poignée de main à la Maison-Blanche entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, qui cimenta le processus de paix d’Oslo. »

La vérité que Rahm Emanuel a pour mission de faire passer, c’est que le comportement des Israéliens est actuellement suicidaire et radicalement contraire à la conception que se fait Barack Obama de la conduite de la nouvelle politique étrangère des États-Unis.

Obama a surpris tout le monde en commençant son mandat par des ouvertures vers le monde de l’islam et par l’annonce de sa volonté de conduire des négociations aboutissant à un Etat palestinien. Cette priorité a déstabilisé les Israéliens et surtout le Likoud qui a compté sur les ajournements successifs des négociations pour éviter un Etat palestinien dont il n’a jamais voulu. Ariel Sharon avait profité de la guerre d’Irak et Netanyahu a choisi avec obstination et habileté de concentrer l’attention du monde sur la menace, d’ailleurs fondée, des leaders iraniens. Simplement, il se trouve devant un homme, Barack Obama, qui martèle la conviction que seule la paix au Proche-Orient peut redonner aux Etats-Unis l’autorité nécessaire pour rassembler les éléments du monde arabe et islamique capables de faire pression sur le Hamas, sur le Hezbollah, et aussi, bien sûr et d’abord, sur les autorités iraniennes. C’est là que réside l’épreuve de force et c’est là qu’Obama doit compter ses amis dans le monde.

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