Paul Jorion: "Obama is Discouraging"

<--

De passage à Paris, l’un des rares économistes à avoir anticipé la crise actuelle a été l’invité de Parlons Net. Il est longuement revenu sur son diagnostic, avant de proposer la suppression radicale de toute spéculation pour sauver le capitalisme.

Paul Jorion est davantage qu’un économiste talentueux ou un blogueur à succès. C’est d’abord une histoire singulière. Voilà un cadre qui travaillait dans un organisme américain de crédit et qui était donc aux premières loges pour deviner la crise qui vient. Il en fait un livre en 2004 dont aucun éditeur ne veut. Le manuscrit paraît néanmoins en 2007 grâce, dit-il, à l’aide de Jacques Attali. Son titre ? « Vers la crise du capitalisme américain ? » La tornade initiée par les subprimes y est décrite. La seule erreur est dans le titre : la crise du capitalisme est mondiale et non seulement américaine.

On connaît la suite. Jorion abandonne la finance et se met à écrire. Des livres, son blog. Il devient l’un des prophètes officiels de la crise.

Parlons Net a pu, grâce à la complicité de Vendredi, l’interroger longuement vendredi 5 juin. Etaient présents autour de David Abiker, Philippe Labarde de Vendredi, Samuel Laurent du Figaro, Pascal Riché de Rue89 et Philippe Cohen de Marianne2.

La crise actuelle est-elle financière ou systémique ? Toute une partie de l’entretien a tourné autour du diagnostic de cette crise. Si Paul Jorion reconnait bien volontiers que le développement des subprimes a été la conséquence d’une insuffisance de la demande, les crédits se substituant à des salaires de plus en plus bas dans les pays développés, il n’en demeure pas moins un défenseur passionné du libre-échange. « Ne dites pas du mal de la Chine, c’est notre avenir ! », dira-t-il même lorsqu’on évoque le dumping monétaire ou salarial dans ce pays.

Paul Jorion croit néanmoins à une crise de longue durée et non pas en V comme le laisse croire un certain nombre d’experts. « L’ampleur des pertes n’est pas calculable », ajoute-t-il en expliquant qu’au fur et à mesure que le chômage frappe un nombre croissant d’Américains, ces derniers ne peuvent plus rembourser leurs prêts ce qui contribue à augmenter dans des proportions importantes le volume des créances douteuses. Au passage, Paul Jorion remarque que la France n’est pas encore vraiment entrée dans la crise. Il faudra attendre six mois ou un an que la situation économique et sociale se dégrade vraiment.

Autre idée essentielle dans la pensée de Jorion, le constat que le monde est dirigé par une oligarchie qui a sans doute pris Obama en otage. « Obama est décourageant », lâche-t-il. « Dire que les Etats-Unis ont un plan est charitable. Ils ne savent pas bien où ils vont. Le désarroi des dirigeants est profond. »

Enfin, côté solution, Paul Jorion milite pour l’éradication de la spéculation dans le système capitaliste. Le moyen ? L’interdiction de tout investissement fondé sur la variation des prix.

About this publication