Is the American Model of Management Effective?

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Avec la crise, le modèle américain de management fait l’objet de nouvelles interrogations. La débâcle financière a été précédée de plusieurs scandales (Enron, Worldcom…) et de l’effondrement d’industries phares comme l’automobile. A l’inverse, de nombreuses entreprises venues des pays émergents réussissaient une croissance internationale surprenante et peu conforme aux doctrines de management en vigueur outre-Atlantique. Est-ce la fin du modèle américain ? La naissance de modèles alternatifs ? Ou un appel au recul critique et à l’innovation en matière de management ?

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Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offertsL’histoire du management est inséparable de la référence américaine, et les doctrines de gestion venues des Etats-Unis sont séduisantes. Mais la vie réelle des entreprises est souvent en décalage par rapport à ces doctrines.

Après la seconde guerre mondiale, les entreprises américaines ont servi d’appui à une vision planificatrice et bureaucratique du management. Mais, dès les années 1970, ce modèle est remis en cause par les succès des entreprises japonaises, qui bouleversent les méthodes de production industrielle en introduisant la gestion en flux tendu et une organisation participative du travail.

Au début des années 1990, les Etats-Unis reviennent au-devant de la scène avec le modèle de la Silicon Valley, qui combine dynamisme entrepreneurial, innovation, capital-risque et fort investissement public dans la recherche. L’exemple n’est plus General Motors, mais Intel ou Google. Cette réussite par l’innovation coopérative n’empêche pas les Etats-Unis de diffuser à travers le monde une vision financière et actionnariale de l’entreprise où celle-ci est un assemblage flexible de compétences techniques et commerciales destiné à procurer à court terme un avantage compétitif.

Cette conception a contribué à la crise actuelle. Elle a aussi masqué les modèles de croissance et d’internationalisation des entreprises des pays émergents qui, pourtant, ne disposaient pas d’avantages compétitifs majeurs par rapport aux entreprises occidentales (Mauro F.Guillen and Esteban Garcia-Canal, “The American model of the multinational firm and the “new” multinationals from emerging economies”, Academy of Management Perspectives, 23/2, mai2009). Les nouvelles multinationales d’Amérique latine (Embraer, Natura Cosmeticos, Tenaris…), de Chine (Haier, Huawei, Lenovo), de Corée du Sud (Hyundai, LG Samsung) ou d’Inde (Infosys, Tata, Wypro…) développent au contraire un “management du plus faible” qui sait qu’il doit combler ses handicaps autant par l’imitation et l’apprentissage que par l’innovation. Elles ont alors cherché une internationalisation rapide fondée sur l’adaptation à des marchés locaux, notamment dans les pays émergents. Elles ont aussi privilégié les alliances avec des partenaires techniquement plus avancés, tout en s’efforçant de trouver des formes d’organisation originales.

Le modèle de management américain est-il en déclin ? Il serait plus rigoureux de penser qu’un tel modèle n’a jamais vraiment existé et que, aux Etats-Unis comme ailleurs, de multiples conceptions se sont développées et opposées.

En revanche, le primat doctrinal accordé au management américain a plus servi la réputation des “business schools” américaines que les entreprises qui ont cédé à cette illusion. Car, en gestion, le savoir accumulé est utile… si l’on a conscience que les défis futurs exigeront l’invention de nouveaux modèles. Il incombe donc aux sciences de gestion de ne pas diffuser des doctrines faussement universelles. Mais plutôt de construire les cadres scientifiques qui éclairent la variété des modèles, tout en aidant à leur renouvellement.

Armand Hatchuel, professeur à Mines Paris Tech

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