The Empire Strikes Again!

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IIls s’en vont. Les troupes américaines se retirent des villes d’Irak, six ans après y être rentrées et des centaines de milliers de morts plus tard. Après le 11-Septembre, l’empire avait décidé de broyer ceux qu’il avait désignés comme « l’axe du Mal » ou qui gênaient son accès aux richesses. Une ère effroyable s’est ouverte avec ses attentats ravageant les marchés, les combats de factions, les guerres de religion, les pillages en tout genre. Les premières à prélever leur dîme furent les multinationales américaines proches des néoconservateurs de Washington pour qui le pays fut mis en coupe réglée. Ballets de mercenaires, frappes approximatives, tortures en série dans les prisons américaines… Certes, le dictateur Saddam Hussein était tombé, mais au même moment, les infrastructures irakiennes s’effondraient. L’occupation a semé les germes de décennies de haine et aujourd’hui chacun suspend son souffle : la population qui craint une explosion de violence ; les milices à l’affût d’occasions d’imposer leur loi ; les multinationales du pétrole, candidates à partir d’aujourd’hui à l’exploitation de six des plus vastes champs pétrolifères irakiens. Toutes les majors sont là – Exxon, Shell, Total – qui lorgnent sur les réserves de 115 milliards de barils qui dorment en sous-sol. Combien de morts pour ces affaires juteuses ?

Aujourd’hui, cette défaite de l’armée américaine bascule dans l’histoire. Toutes les leçons n’en ont pas encore été tirées. Les effets des méfaits ne sont pas tous mesurés. La guerre des civilisations activée par George Bush a semé des ferments de violence dont nous ne mesurons pas toutes les conséquences. La France et son président (contre celui qui allait devenir son successeur) ont eu le courage de s’opposer à cette aventure, en dépit des pressions ou des menaces. Qu’en aurait-il été si, à la tribune des Nations unies, alors que Colin Powell tentait de duper le monde en brandissant des fioles emplies de vent, l’orateur français s’était nommé Pierre Lellouche, notre nouveau ministre des Affaires européennes, bushiste convaincu et atlantiste docile ? Poser la question, c’est souligner les périls que fait courir à l’équilibre du monde et au crédit de la France, la décision de réintégrer l’OTAN, et de se soumettre au commandement américain.

D’ici au mois d’août 2010, les 50 000 soldats des unités combattantes auront quitté l’Irak. Mais de nouvelles troupes seront dépêchées en Afghanistan, où les armées de la coalition (dont des soldats français) sont empêtrées depuis si longtemps, défaites par des talibans auxquels les années d’occupation du pays ont redonné de la vigueur. Un bourbier chasse l’autre. Barack Obama sera-t-il capable de rompre avec huit ans de stratégie américaine et de relancer une nouvelle dynamique internationale dans cette région ? Rien, hélas, n’est moins sûr. Il ne suffira sans doute pas de renouer avec le géant perse pour rétablir la stabilité. L’Iran a besoin lui-même de se libérer pour accéder au rôle d’acteur majeur dans les équilibres géostratégiques de la région.

La légitimité de l’hyperpuissance américaine est désormais remise en cause. Le gendarme capitaliste s’est révélé un soudard, tandis que la crise économique mettait en lumière combien ce système gâchait de ressources et de vies humaines. La course au profit à tout prix – et même à celui de la guerre – menace trop la planète pour que le monde d’aujourd’hui s’accommode de l’empire.

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