Obamania Vs. Chinafrica

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Première visite de Barack Obama en Afrique, au Ghana. Le président américain a certes des origines africaines, et le sens de la communication. Mais cela suffira-t-il à (re)lancer les relations entre les Etats-Unis et l’Afrique? Indifférence, désintérêt… Pendant que les Etats-Unis ignoraient l’Afrique, la Chine, elle, a su se faire une place incontournable sur le continent.

La visite au Ghana revêt ainsi un caractère hautement symbolique. Pourquoi le Ghana ? Parce qu’il s’agit, de l’avis de la Maison-Blanche, d’une démocratie stable et modèle, mais aussi parce c’est un des pays d’Afrique dans lesquels l’image des Etats-Unis est la meilleure (à l’exception du Kenya, Obama oblige). Accueilli à son arrivée au son des tambours et de danses, le chef de la Maison Blanche a rencontré le président John Atta Mills. Mais au-delà des symboles, les attentes sont très fortes côté africain. On parle ainsi d’une redéfinition des relations Etats-Unis – Afrique. Mais sur la base de quoi, et dans quel but ?

Une popularité exceptionnelle

Ce déplacement fut l’occasion de mesurer l’ampleur de l’Obamania en Afrique. Pour de nombreux africains, Barack Obama est l’enfant du pays. Ses origines kenyannes sont ainsi la garantie d’une popularité qu’aucun président américain n’a jamais été en mesure d’atteindre sur le continent africain. Mais au-delà de ses origines, et du fait qu’il soit systématiquement présenté comme le premier président afro-américain à siéger à la Maison-Blanche, c’est son message qui lui apporte une grande popularité en Afrique. Déjà, lors d’un précédent séjour au Kenya quand il était sénateur, il avait fortement marqué les esprits. Au Ghana, la visite hautement symbolique au fort de Cape Coast, un lieu historique de la traite des Noirs, fut le moment fort du premier séjour d’Obama en terre africaine en tant que président américain. Et son discours au parlement de ce petit pays fut légitimement considéré comme un véritable honneur. En tous points, ce déplacement fut l’occasion de mesurer l’ampleur de l’Obamania en Afrique.

L’Amérique en reconquête

Dans les faits, l’administration Obama est en nécessaire reconquête en Afrique. Les huit années de présidence de Bill Clinton avaient été marquées par un retour, ou même un point de départ diront certains, de relations entre les Etats-Unis et l’Afrique. Le continent noir n’avait jusqu’alors jamais réellement attiré l’attention de Washington, qui consacrait l’essentiel de sa politique étrangère à l’Europe, le Moyen Orient, l’Amérique latine, et plus récemment l’Asie. De cette manière, l’Afrique restait le seul rempart au leadership américain depuis la fin de la guerre froide, simplement du fait du désintéressement de la Maison Blanche pour les questions africaines. Les premières initiatives de l’administration Clinton en Afrique furent caractérisées par une politique d’intervention dans le règlement des crises. A la suite des échecs en Somalie et au Libéria, qui ont été un véritable fiasco tant militaire que politique, un certain nombre d’experts avaient annoncé un retrait de Washington de la scène africaine.

Pourtant, il semble au contraire que c’est à la suite de ces opérations que l’Afrique est devenue un dossier plus important à Washington. Parallèlement, le continent africain a intéressé les investisseurs américains dans les années 90, notamment les matières premières et les produits énergétiques, à tel point que les Etats-Unis sont devenus, en quelques années, l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Afrique. Enfin, Washington a apporté une aide au développement conséquente aux pays africains à la même époque, s’imposant rapidement comme l’un des principaux donateurs.

Ces initiatives furent en grande partie abandonnées sous l’administration Bush, plus concentrée sur la guerre contre le terrorisme, et voyant dans les pays africains un terrain potentiellement propice au développement d’activités terroristes plus qu’une terre d’opportunités. Ainsi, pendant huit ans, les Etats-Unis perdirent pied dans le continent africain, d’autant que l’unilatéralisme américain eut des effets négatifs sur l’image de Washington dans cette région, comme ailleurs dans le monde. C’est pourquoi, bénéficiant d’une immense popularité en Afrique, Barack Obama y est véritablement en reconquête, et c’est sous cet angle qu’il faut comprendre le « nouveau partenariat ».

La Chine fortement implantée

Barack Obama doit cependant faire avec un nouvel acteur qui s’est considérablement renforcé en Afrique au cours des dernières années : la Chine. On parle même de Chinafrique pour qualifier la relation de plus en pus étroite que Pékin entretient avec l’Afrique subsaharienne, notamment dans le cadre des échanges économiques et commerciaux. Mais il serait trompeur de limiter l’action de la Chine dans la région à ce seul aspect. Aujourd’hui, ce sont près de 1 500 soldats chinois qui y interviennent dans des opérations de maintien de la paix de l’ONU (MOMUC et MINUL). Pékin est devenu un acteur majeur en Afrique subsaharienne, et Obama en a particulièrement conscience, puisqu’il le fit lui-même remarquer à son adversaire John McCain lors d’un des débats présidentiels télévisés à l’automne dernier.

A l’heure actuelle, si Obama bénéficie d’une image exceptionnelle sur le continent où vit une partie de sa famille, la Chine est bien le pays qui apporte ce dont les Africains ont le plus besoin : des investissements massifs. Et sur ce terrain, la crise économique à laquelle font face les Etats-Unis n’invite pas à l’optimisme quant à une reprise massive des investissements américains. La présence démographique chinoise joue également un rôle important dans la stratégie de Pékin sur le continent africain. Plus de 150 000 Chinois seraient ainsi aujourd’hui installés en Afrique. Cette forte présence vient non seulement de l’implantation de nombreux petits commerçants, mais aussi de l’énorme contingent de travailleurs du BTP, qui une fois leur mission terminée choisissent parfois de rester sur place, où ils sont généralement bien acceptés. Et tout cela concourt à faire de la Chine un pays plus populaire encore que les Etats-Unis en Afrique, notamment au Ghana, comme l’indiquent les multiples enquêtes consacrées à la question publiées par les think tanks américains. Comme quoi, malgré les apparences, la tâche du premier président américain originaire du continent africain ne sera pas aussi simple en Afrique.

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