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Barack Obama débarque en Afrique, aujourd’hui, dernier segment hautement symbolique d’un séjour à l’étranger amorcé en début de semaine. Il y prononcera au Ghana, demain, une allocution destinée à la population du continent. C’est un discours que l’on estime devoir être aussi substantiel et important que celui donné au Caire, en juin, à l’intention du monde musulman.
Fils d’un père kényan, époux d’une descendante d’esclaves, le président des États-Unis saura-t-il jeter un regard neuf sur l’Afrique? Sur cette terre qui a désespérément besoin qu’on aborde d’un angle nouveau les problèmes qui la grugent?
Les signaux qu’Obama a récemment envoyés à ce sujet (notamment dans une entrevue à AllAfrica.com) ne permettent pas de le dire. Il n’y a pas fondamentalement remis en question les formes d’aide existant depuis un demi-siècle, constatant simplement que la bonne gouvernance et l’auto-responsabilisation sont des pré-requis à tout progrès.
Sans doute est-ce vrai. Mais c’est peu.
La réalité est que l’aide au développement consentie à l’Afrique depuis un demi-siècle a lamentablement échoué. Et que les pays riches ne font que s’enfoncer dans ce cul-de-sac, motivés à la fois par la culpabilité, par l’intérêt et par l’humanisme «glamour». En Occident, en effet, l’incontestable autorité en matière de développement africain semble être… Bono, le chanteur de U2!
«Le discours public (sur l’Afrique) est devenu une disco publique… et on ne se bat pas contre une guitare électrique!» ironise une économiste zambienne, Dambisa Moyo. Elle est l’auteure du percutant ouvrage Dead Aid (L’aide est morte: Pourquoi l’aide ne fonctionne pas et comment faire mieux pour l’Afrique, non disponible en français).
Appelons la «thèse Bono» celle qui enjoint les pays du Nord de doubler ou même de tripler l’aide au développement consentie à l’Afrique. C’est un plaidoyer moralement confortable pour ceux qui sont lovés dans l’opulence des pays riches. Mais ça ne marchera pas.
À ce jour, 1000 milliards de dollars ont été transférés à l’Afrique. Or, entre 1970 et 1998, période au cours de laquelle cette manne a été la plus considérable, le taux de pauvreté sur le continent est passé de 11 à 66%! En 1960, le Kenya était plus prospère que la Corée du Sud; le premier est misérable aujourd’hui alors que la seconde est riche, a lui-même remarqué Barack Obama.
«L’aspect le plus déprimant de ce fiasco, c’est que les donneurs, les décideurs, les gouvernements, les intellectuels, les économistes et les spécialistes du développement savent, au fond de leur coeur, que l’aide ne fonctionne pas. (L’un d’eux) remarque: tout le monde sait que c’est de la m…, mais ça fait vendre des T-shirts!» rapporte Dambisa Moyo.
Dans Dead Aid, elle soutient non seulement que l’aide… n’aide pas. Mais elle nuit, alimentant la corruption, les conflits, l’inefficacité, la dépendance – pour plus de détails, voir le blogue de l’édito sur Cyberpresse.
En fait, l’économiste d’origine africaine n’est pas la première à remettre en question les vieilles façons de faire. Dans The White Man’s Burden (dont nous avons déjà parlé dans cette colonne, bientôt disponible en français sous le titre: Le fardeau de l’homme blanc), l’économiste américain William Easterly faisait de même. Et l’ex-patron de CARE Canada, John Watson, a déjà déclaré: «Nous vivons le naufrage de ces rêves»…
Obama, donc, saura-t-il y faire?
Il devra d’abord s’appliquer à corriger les choses chez lui. Si les États-Unis sont le plus important distributeur d’aide à l’Afrique, les gigantesques subventions versées aux agriculteurs américains constituent par contre l’un des freins importants à l’enrichissement du continent noir.
Au Ghana, demain, il faudra parler de ça aussi.
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