Obama and Sarkozy Face Off Over Africa

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Il avait suffi d’un discours, à Dakar, en juillet 2007, pour que Nicolas Sarkozy s’aliène une grande partie des élites africaines. Il a suffi d’un autre discours, à Barack Obama, le 11 juillet à Accra, pour conquérir les coeurs du continent noir. A première vue pourtant, les messages des deux présidents de puissances concurrentes en Afrique paraissent inspirés par la même rhétorique de la responsabilité : “L’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur, avait déclaré M. Sarkozy : la colonisation n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux, (…), du fanatisme, de la corruption.”

Pour M. Obama, “il est facile de pointer la responsabilité des autres sur ces problèmes (de l’Afrique) (…). Mais l’Occident n’est pas responsable (…) des guerres où des enfants sont enrôlés comme combattants.” Les deux chefs d’Etat proclament le même souci d’intégrer l’Afrique au monde : “Votre sort est d’abord entre vos mains”, avait dit M. Sarkozy, là où M. Obama a proclamé : “Le futur de l’Afrique est l’affaire des Africains.” Enfin, même promesse de soutien à l’égard des Africains qui s’engageront sur la “bonne voie” : “L’Amérique sera à vos côtés à chaque étape du chemin, comme partenaire, comme amie”, s’est engagé M. Obama. “Si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le droit, alors la France s’associera à vous pour les construire”, avait promis M. Sarkozy, posant Paris en “ami indéfectible” de l’Afrique.

Il est tentant de voir dans le contraste entre les sifflets suscités à Dakar et les applaudissements d’Accra l’effet pervers d’une forme de “politiquement correct”, voire d’un certain racisme, qui permettrait à M. Obama de se faire mieux entendre grâce à l’invocation de son “sang africain” et de son père kényan. La manière dont les Africains s’identifient au nouveau président américain et se sentent réhabilités par la fierté qu’il personnifie est manifeste. A l’évidence, “Obama l’Africain” peut délivrer des messages désagréables qui sont inacceptables dans la bouche d’un Blanc. M. Obama peut ainsi affirmer que “pour de trop nombreux Africains, le conflit fait partie de la vie, de façon aussi permanente que le soleil”. Alors que la proclamation dakaroise de M. Sarkozy, selon laquelle “l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire”, est devenue, à son corps défendant, une sorte de référence en matière de mépris postcolonial. En outre, l’insistance du premier président américain noir à mettre en avant – entre autres – les responsabilités africaines met en lumière le caractère incongru et politicien des “excuses” qu’a cru bon de formuler tardivement Ségolène Royal à propos du discours de Dakar.

L’on pourrait aussi réduire le clivage entre Dakar et Accra à des différences de style : M. Sarkozy a gratifié l’Afrique d’une dissertation anthropologique sur “l’homme africain” et de sentences définitives et grandiloquentes ciselées par son conseiller Henri Guaino ; M. Obama a adressé au continent un message direct de vérité, de confiance et d’espoir rédigé avec ses tripes, sans condescendance.

Mais les différences de forme reflètent des histoires et des réalités actuelles différentes, qui sont autant de distinctions de fond. A Accra, M. Obama n’a pas fait la leçon à l’Afrique ; il lui a proposé quatre pistes pour avancer sur la gouvernance, l’économie, la santé et la résolution des conflits. Il a mis en avant des principes simples et des projets concrets. “L’histoire n’est pas du côté de ceux qui changent les Constitutions pour rester au pouvoir”, a-t-il affirmé. Il a annoncé son soutien au développement de l’énergie éolienne et solaire en Afrique. Concernant l’aide, il a annoncé la réduction des budgets engloutis par “les consultants occidentaux et l’administration” au bénéfice des compétences locales. M. Obama a annoncé 63 milliards de dollars pour lutter contre le sida et éradiquer le paludisme, la tuberculose et la polio.

La France qui, en colonisant, a prétendu diffuser ses lumières, continue de prodiguer ses conseils au nom de son “amour de l’Afrique”. Pragmatiques, les Anglo-Saxons, qui n’ont jamais caché leurs intentions mercantiles, appellent les Africains actuels à se lever pour négocier et entreprendre avec eux. Un demi-siècle après les indépendances, sans s’appesantir sur le passé, M. Obama a appelé l’Afrique à se mobiliser pour tenir enfin “les promesses” auxquelles avait cru en vain son père.

Les Africains savent parfaitement que Washington s’intéresse à leur pétrole et à toutes leurs matières premières ; les plus instruits n’ignorent pas la longue liste des régimes tyranniques longtemps soutenus par les Américains pendant la guerre froide. Mais si le discours américain apparaît autrement plus crédible aux Africains que celui de la France, c’est d’abord parce que les Etats-Unis restent largement ouverts à l’immigration africaine. C’est enfin que M. Obama tient un discours clair. “Aucun pays ne crée de richesse si ses dirigeants exploitent l’économie pour leur enrichissement personnel”, a-t-il asséné en appelant à “la fin de ce genre de gouvernance”. Au lendemain du discours de Dakar, M. Sarkozy avait rendu au Gabon une “visite d’amitié” à Omar Bongo, mort en juin, archétype de l’indéboulonnable président couvert par la France.

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