La réforme, c’est pas toujours la santé
(Québec) Pourquoi les truites aiment encore les vers de terre? Pourquoi les souris n’ont jamais appris à se méfier des pièges? Pourquoi les projets de réforme de l’assurance maladie aux États-Unis vont s’écraser sur le même mur de briques?
J’ai le regret de vous avouer qu’il n’existe pas de réponse totalement satisfaisante à ces questions. En particulier pour l’assurance maladie aux États-Unis, dont on rejoue le même épisode, tous les 10 ou 15 ans.
Le plus étonnant, cette année encore, ce n’est pas que les esprits s’échauffent. Ou que certains opposants accusent le gouvernement de vouloir euthanasier les vieillards. Le plus étonnant, ce n’est même pas que le lobby des assurances dépense 1,4 million $ par jour pour faire déraper le projet.
Ce qui laisse pantois, c’est que l’administration Obama ait pu croire que son projet ne susciterait pas la même opposition farouche que ceux qui l’ont précédé.
L’histoire radote. C’est normal, puisque personne ne l’écoute.
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Depuis un siècle, pour empêcher l’instauration d’un système national d’assurance maladie aux États-Unis, tous les coups sont permis.
Dès 1917, plusieurs États jonglaient avec l’idée. Mais la riposte de l’industrie des assurances fut féroce. Les réformateurs furent accusés de promouvoir le communisme. Ou de vouloir détruire l’âme des États-Unis. Un dépliant s’intitulait : Les leaders socialistes endossent le projet; la majorité s’y oppose.
Le ton était donné. Depuis, presque tous les présidents ont dû s’avouer vaincu, y compris Franklyn D. Roosevelt, qui abandonna son projet pour ne pas nuire à ses autres réformes.
Le tableau de chasse des «anti» comprend notamment Richard Nixon et Jimmy Carter. Lyndon B. Johnson fut l’un des rares à obtenir du succès, en visant surtout les personnes âgées.
Commentaire célèbre d’un opposant : «Je ne veux pas abolir le gouvernement. Je veux seulement réduire sa taille au point où je serai capable de le traîner jusqu’à la salle de bains pour le noyer dans le lavabo.»
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Dans son livre Woman in Charge, Carl Bernstein raconte une visite effectuée à Seattle par Hillary Clinton, en 1993, pour promouvoir sa réforme de l’assurance maladie. Toute ressemblance avec 2009 ne saurait être attribuée au hasard.
«Le temps que la caravane ait atteint Seattle, les menaces de violences étaient devenues constantes. Toute la semaine, les animateurs de radio poubelle […] avaient supplié leurs auditeurs d’aller […] montrer à Hillary «de quel bois ils se chauffaient. […] La moitié des quelque 4500 personnes venues l’entendre étaient des protestataires. Pour la première fois, elle accepta de porter une veste pare-balles. Elle s’était rarement sentie en danger, mais cette fois, c’était différent. Durant son discours, les sifflets, les cris et le bruit couvraient ses paroles. Quand elle quitta l’estrade pour se diriger vers sa limousine, des centaines de protestataires entourèrent la voiture. […] Plusieurs arrestations furent effectuées […]. On récupéra au moins deux fusils et un couteau.»
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«De toutes les illusions contemporaines, la plus dangereuse est sans doute celle qui suppose que tout ce qui nous arrive est nouveau […], au point où le passé n’aurait plus rien à nous enseigner», écrit l’auteur Tony Judt dans son livre Reappraisals.
Mais voyez plutôt.
Il y a un mois encore, l’administration Obama alignait ses arguments bien gentiment, comme des soldats de plomb. Elle répétait que le système américain s’avère le plus coûteux du monde. Elle rappelait que 47 millions de citoyens ne disposent d’aucune assurance. Sans compter qu’en 2007, les deux tiers des faillites étaient causées par la maladie.
La semaine dernière, le président Obama en était réduit à se défendre de vouloir «débrancher» les grands-mamans. À ce rythme, il restera à conclure, à la manière d’un Jerry Lewis : «Pour ceux qui comprennent, aucune explication n’est requise. Pour ceux qui ne comprennent pas, aucune explication ne sera suffisante.»
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