Des trois «grands» Kennedy, le plus jeune sera-t-il celui qui laissera l’héritage réel le plus substantiel et le plus solide? C’est probable. Il est vrai qu’Edward M. Kennedy, le sénateur, le vieux lion, l’oncle Ted, aura pu jouir de ce dont les deux aînés, John et Robert, ont été tragiquement privés: la longévité.
Ted Kennedy est mort à l’âge de 77 ans.
C’était le cadet des neuf enfants de Joseph et Rose Kennedy, fondateurs d’une dynastie politique nationale après en avoir consolidé une de la finance et de la politique locale. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le clan Kennedy deviendra ainsi pour l’Amérique ce qui se rapproche le plus d’une famille royale à l’européenne.
Peut-être toutes les nations ressentent-elles le besoin de se projeter dans cette sorte d’imagerie?
En ce cas, les Américains n’ont plus ce qu’il faut sous la main. Les «dynasties» Bush ou Clinton ne font pas vraiment l’affaire. Et, Edward disparu, on ne voit pas bien lequel ou laquelle des Kennedy de la génération qui suit pourrait régénérer le sang bleu de la famille.
* * *
Dans ce portrait, Ted Kennedy aura toujours occupé la place du prince héritier relégué en bout de ligne de la succession; la place du benjamin a priori peut-être moins talentueux, moins prudent, qui hérita par accident du devoir d’accéder au trône présidentiel… dont il ne voulait pas. D’ailleurs, il échoua. Par manque de conviction, justement, et en raison d’une vie privée lestée de faiblesses publiques.
Sa place était au Congrès, où il travailla pendant 47 ans pour devenir le législateur sans doute le plus important de sa génération.
Il est d’une cruelle ironie qu’il disparaisse au moment où Barack Obama, à qui il a passé le flambeau, lutte pour réformer le système de santé. Ce fut en effet pour Edward Kennedy le projet d’une vie, «la grande tâche inachevée à l’agenda du Parti démocrate», disait-il déjà en 1980. De fait, parmi ses victoires au Sénat, figurent de nombreuses législations sur l’accès aux soins pour les personnes âgées ou nécessiteuses, sur les cliniques de quartier, sur la lutte au sida.
Beaucoup de ces victoires furent le résultat de sa capacité de charmer et de négocier, de «traverser l’allée» et d’enrôler ses adversaires.
Ce qui mène à ceci.
Le dernier des Kennedy possédait bel et bien le talent et la prudence. Inébranlablement progressiste, il cultivait l’utopie de façon réaliste, pour ainsi dire. Conscient que la politique est l’art du possible. Conscient qu’aller de l’avant est une affaire de mouvement et de compromis, pas d’immobilisme et de rigidité.
Edward M. Kennedy savait être humble dans la défense des grandes causes, qu’il n’écrasait jamais – contrairement à tant de progressistes autoproclamés – sous le poids de sa grandeur.
Ce fut sa façon à lui d’être noble.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.