Huit mois, c’est court. Barack Obama en a encore quarante devant lui pour finir son mandat aussi brillamment qu’il l’avait entamé mais, pour l’heure, l’état de grâce est derrière lui. A l’intérieur, l’extension de la couverture médicale aux plus démunis, cette réforme qui devait être son grand œuvre, se heurte, tout à la fois, à la mobilisation de la droite républicaine, au lobbying des assureurs privés et à la gauche démocrate, déçue que son président n’ait pas même tenté de s’inspirer des systèmes de sécurité sociale européens.
Barack Obama a sans doute déjà échoué à devenir un nouveau Roosevelt, l’artisan d’un New Deal social qui n’aurait pas augmenté les dépenses de santé mais offert une protection contre la maladie aux près de soixante millions d’Américains qui en sont dépourvus. Ce n’est plus qu’un mauvais compromis qui s’annonce, mieux que rien mais une miniréforme, mal bâtie et extrêmement coûteuse dans une période où le sauvetage des banques et de l’industrie automobile a creusé le déficit budgétaire. Les sondages deviennent préoccupants pour la Maison Blanche. Le doute s’installe à l’intérieur et, parallèlement, l’horizon s’assombrit sur les fronts extérieurs.
En Irak, les relations entre les communautés chiite, sunnite et kurde se tendent à nouveau car l’accord sur la répartition des revenus pétroliers tarde à se conclure. Les violences ont repris. Il n’est plus impossible que les Etats-Unis aient à rappeler leurs troupes sur fond de chaos alors que l’apaisement croissant des deux dernières années leur avait laissé croire qu’ils pourraient se retirer dans la dignité. Fonction oblige, Obama aurait alors à assumer cette humiliation nationale dont pâtirait son autorité, intérieure et extérieure, et rien ne s’arrange, non plus, en Afghanistan. Là-bas, la participation à l’élection présidentielle a été aussi faible que les présomptions de fraude sont grandes. On ne voit plus qui pourrait ramener, sur quelles bases et comment, un semblant de paix dans ce pays plus que jamais divisé entre le Nord, tadjik, et le Sud, pachtoun, où les talibans règnent en maîtres.
La passe est mauvaise pour Barack Obama car, ainsi affaibli, il se retrouve en observation sur la scène internationale. De Jérusalem à Téhéran en passant par Moscou, Pékin, Paris, Londres et Berlin, toutes les capitales qui comptent sont en train de se dire qu’elles pourraient ne pas avoir à trop s’inquiéter de lui, qu’elles ont les mains libres, et cela ne l’aide pas plus à relancer le processus de paix israélo-palestinien qu’à faire progresser les choses avec l’Iran.
Un an après avoir remporté l’investiture démocrate et suscité, partout dans le monde, de si grands espoirs, ce président doit recadrer son action, définir des priorités et remporter un succès concret qui renverserait la vapeur mais le pourra-t-il ? C’est la grande interrogation de cette rentrée car Barack Obama se heurte à trois difficultés de fond – conjoncturelle, personnelle et historique. La première est que nul ne sait encore si la crise économique a passé son pic ou si elle n’a encore connu qu’une première phase, annonciatrice d’un rebond autrement plus violent. Dans la première hypothèse, Barack Obama sera le sauveur de l’Amérique et le moment actuel vite oublié. Dans la seconde, on lui reprochera tout et son contraire, de n’en avoir pas fait assez pour redresser la barre et d’avoir trop endetté l’Etat.
La deuxième difficulté de ce président est que tout a fait de lui un conciliateur né, plus prompt à comprendre les raisons de l’autre qu’à adopter un point de vue tranché. Noir et Blanc, Américain et Africain, issu d’une famille modeste mais propulsé par son intelligence dans les élites les plus fermées, il a toujours si profondément voulu s’adapter à tous les milieux et si bien su s’y faire accepter que tout le porte à chercher le consensus, à tenter de rallier ses adversaires plutôt qu’à les briser. Cet être profond marque tous ses discours, celui sur les races en Amérique comme l’adresse au monde musulman, et peut-être fait-il plus de lui un analyste à la justesse confondante qu’un homme d’Etat déterminé. Quant à la troisième difficulté de Barack Obama, c’est celle de l’Amérique. L’URSS disparue, elle avait d’abord cru, sous Bill Clinton, qu’elle pourrait s’imposer en unique puissance par le seul effet de sa victoire, de ses vertus et de sa richesse. Le 11 Septembre l’en avait détrompée. Sous George W. Bush, elle a cru pouvoir tabler sur la seule force des armes. Avec son successeur, elle a misé sur un ressourcement moral et la bonne volonté, le Soft Power de la main tendue, mais les résultats ne sont, à ce jour, pas plus convaincants.
L’Amérique ne peut, en fait, plus peser aujourd’hui qu’en alliant sa puissance à d’autres, en se choisissant des alliés avec lesquels elle codéciderait, mais cette idée lui est encore tellement étrangère que même un visionnaire comme Barack Obama ne l’a pas même envisagée. Il est toujours temps.
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