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Ariane Krol
La Presse
Ahurissant. Scandaleux. Révoltant. Les superlatifs nous manquent pour qualifier la nonchalance avec laquelle la Securities and Exchange Commission a traité les plaintes dénonçant Bernard Madoff. En bâclant ses enquêtes, l’organisme n’a pas seulement failli à la tâche: il a contribué à renforcer la réputation du fraudeur. Le monde à l’envers!
Le rapport déposé cette semaine par l’inspecteur général de la SEC est accablant. En 16 ans, l’organisme a reçu au moins six plaintes qui auraient pu lui permettre de découvrir le pot aux roses. Le récit de tant d’amateurisme et de négligence laisse sans voix. Les investisseurs qui ont confié des fonds à Madoff après 1992, eux, doivent hurler. Car cette année-là, la SEC détenait déjà des indices inquiétants sur les activités du financier. Si elle avait pris la peine de vérifier certaines données, elle aurait probablement découvert le stratagème de Ponzi, lit-on dans le sommaire du rapport.
Et l’histoire se répète. Inexpérimentés et ne connaissant pas grand-chose aux produits financiers, les employés de la SEC ignorent des signaux visibles comme des gyrophares, acceptent les réponses incohérentes du fraudeur et négligent de vérifier les informations qu’il leur fournit. À un moment, deux équipes enquêtent en parallèle à l’insu l’une de l’autre. C’est Madoff lui-même qui les en informera!
On peut envier la sévérité avec laquelle la justice américaine a puni le plus grand fraudeur financier de l’histoire moderne. Mais tous ceux qui croient, comme le ministre fédéral Jim Flaherty, qu’on serait mieux protégés avec une autorité des marchés financiers unique pour l’ensemble du pays viennent de recevoir un démenti cuisant.
L’affaire Madoff nous montre aussi qu’il est plus dangereux de bâcler une enquête que de ne pas en faire du tout. Car le financier s’est mis à citer la SEC pour renforcer sa crédibilité! L’organisme avait vérifié ses opérations et n’avait détecté aucune fraude. Que voulez-vous de plus comme garantie? L’argument en a convaincu plusieurs d’investir chez lui.
Mary Shapiro, qui a pris les commandes de la SEC en janvier, affirme avoir déjà grandement renforcé la surveillance. Mais l’organisme devra faire son examen de conscience. S’il n’a pas vu clair dans le jeu de Madoff, ce n’est pas seulement par manque de méthode ou de compétences. C’est aussi parce que ses employés, cadres inclus, étaient si éblouis par la réputation du gestionnaire qu’ils étaient incapables de douter de lui. Ils ont perdu de vue leur mandat. Quand le gendarme des marchés financiers s’inquiète davantage de ménager la susceptibilité d’une grosse gomme de l’industrie que de protéger les investisseurs, il ne sert plus à grand-chose.
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