Obama Affirms Principleswithout Excluding Concessions

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Après le discours très attendu de Barack Obama devant le Congrès américain, réuni en session extraordinaire, Laurent Bouvet, professeur de sciences politiques à l’université de Nice, revient sur les enjeux de cette réforme phare du président démocrate.

Tant au niveau du symbole que du fond, comment analyser le discours de Barack Obama devant le Congrès?

Barack Obama a réalisé une performance habituelle à ses grands discours, avec un art oratoire affirmé. Symboliquement, il ne s’est pas loupé. Sur le fond, il faut remarquer qu’il ne s’était jamais exprimé aussi clairement sur la réforme du système de santé. Désormais, on sait à quoi s’en tenir alors que jusqu’à présent, les choses étaient confuses. Pendant l’été, beaucoup de personnes s’étaient exprimées sur le sujet. Barack Obama a exposé solennellement et clarifié ses principaux objectifs.

Lesquels?

J’en vois trois. L’amélioration de l’assurance santé de ceux qui en disposent déjà d’une, la création d’une couverture pour les 47 millions de personnes qui en sont dépourvues et la diminution du rythme d’augmentation des dépenses de santé. Il ne l’a pas évoqué clairement, mais il y a un autre objectif, celui d’une amélioration de la prévention.

Quelle stratégie semble-t-il souhaiter adopter?

Le principal objectif d’Obama est de donner aux Américains le choix entre les assurances privées et une assurance publique. Il a rejeté dans son discours «l’option tout public» comme au Canada – qu’il considère comme celle de la gauche – et l’option consistant à laisser chacun s’assurer seul – celle de la droite. Dans cette optique, «l’option publique» constitue véritablement le coeur du programme d’Obama. Il y avait pu avoir des doutes sur cet aspect durant l’été, Obama a réaffirmé hier que cet objectif était primordial.

Quelles concessions devra-t-il faire pour faire passer le coeur de sa réforme?

Je pense que le deal sera le suivant: les assureurs privés devront faire preuve de bonne volonté sur l’option publique, limiter leur course aux profits et arrêter de refuser certains malades. Mais en échange, ils garderont la main-mise sur l’essentiel de la santé américaine. C’est-à-dire qu’ils conserveront les malades les plus profitables, ceux qui coûtent le moins cher. Les autres (les pauvres et les vieux) seront intégrés dans le système public.

C’est dans cette mesure qu’on peut considérer le discours d’Obama comme bipartisan?

Obama n’a pas prononcé un discours de démocrate libéral. Il sait que s’il est trop à gauche, la réforme ne passera jamais. C’est d’ailleurs l’erreur qu’avait faite Clinton en 1993, en disant que si le projet n’était pas conforme à ses demandes, il y mettrait son veto. En affichant son ouverture, Obama laisse certains points négociables. Il s’agit principalement de la marge qu’il va laisser aux assurances privées. Pour faire passer l’option publique, Obama va devoir lâcher du lest sur certains points. Par exemple, il a dit être prêt à négocier sur le «gâchis et l’inefficacité» de Medicare et Medicaid, en rationalisant notamment les parcours de soins. Cela apparaît comme une concession faite à la droite et aux républicains. L’autre point de négociation, c’est le financement de la réforme. Le pari d’Obama, c’est que le nouveau système sera moins coûteux.

Quel est le calendrier des prochaines semaines désormais?

Obama a fixé ses objectifs, avec en filigrane l’accord auquel il est prêt. Il a mis tout son poids dans la balance. C’est maintenant le Congrès qui va faire le texte. Obama n’a pas dit ce qu’il ferait si certains grands principes énoncés n’étaient pas retenus. En menaçant de son veto, il se serait enfermé. A mon avis, le Congrès proposera un texte fin septembre. On aura alors une idée du niveau du curseur choisi. Si le privé (les assureurs, les lobbies) y trouve son compte, l’option publique sera acceptée.

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