Honeymoon for Obama and American Muslims

<--

Huit ans après le 11 Septembre, les musulmans ont le sentiment qu’un nouveau chapitre s’ouvre.

Le 25 septembre prochain, entre 4 heures du matin et 7 heures du soir, près de 50 000 musulmans devraient converger vers la colline du Capitole pour y «prier pour l’Amérique». Du jamais vu. C’est à l’initiative de la mosquée Dar-ul-Islam, dans le New Jersey, que cet événement sans précédent dans l’histoire du pays a été imaginé en juillet par un groupe d’imams. «Jamais la communauté islamique n’a encore prié au Capitole pour l’âme de l’Amérique. Nous sommes américains. Nous voulons changer le visage de l’islam de telle sorte que les gens ne pensent plus que chaque musulman voit l’Amérique comme le grand Satan. Parce que nous aimons l’Amérique», a expliqué le président de Dar-ul-Islam, Hassen Abdellah.

C’est le fameux discours du Caire au monde musulman d’Obama qui a donné à cet imam l’idée de la prière au Capitole. «Pour la première fois de ma vie, j’ai entendu quelqu’un de sa stature parler des musulmans non pas comme d’adversaires, mais comme de citoyens à part entière, poursuit Abdellah. Il a dit qu’il avait la main tendue vers le monde islamique. Le monde islamique veut la saisir.»

Son enthousiasme en dit long sur la lune de miel qui s’est amorcée entre Barack Obama et les musulmans américains. Huit ans après la tragédie du 11 Septembre, qui avait fait d’eux des suspects potentiels, voire parfois des parias, ces derniers ont le sentiment qu’un nouveau chapitre va enfin s’écrire. «Hier, j’étais vu comme un terroriste, et aujourd’hui je suis autorisé à aller prier au Capitole», se réjouit Aly Aziz, de la Société islamique du New Jersey. Lors du dîner de l’Iftar organisé à la Maison-Blanche à l’occasion du ramadan, selon une tradition qui remonte à ses prédécesseurs, Barack Obama a d’ailleurs répété que «l’islam fait partie de l’Amérique». «Nous célébrons le mois sacré du ramadan, mais aussi la manière dont les musulmans, cette communauté d’un dynamisme extraordinaire, ont enrichi l’Amérique et sa culture», a-t-il dit. De nombreux intellectuels, sportifs, artistes et entrepreneurs étaient présents au banquet, preuves vivantes des succès du modèle d’intégration américain. Le président a rendu hommage – fait loin d’être anodin – au sacrifice de Kareem Khan, jeune musulman américain mort au combat en Irak. «Un croissant est sculpté sur sa tombe, comme d’autres sont ornées de la croix chrétienne ou de l’étoile juive. Ces braves Américains sont liés dans la mort comme ils l’étaient dans la vie. Par le même engagement envers leur pays», a dit Obama.

Les enquêtes d’opinion affirment que les musulmans d’Amérique se sentent plutôt satisfaits de leur sort. Il est vrai que contrairement aux immigrés musulmans d’Europe, leur niveau de vie est dans la moyenne du pays. La plupart des observateurs américains invoquent le «modèle de laïcité à l’Américaine» pour expliquer le succès des parcours. Alors qu’en France la laïcité s’est construite pour défendre l’État de l’influence des religions, c’est l’inverse qui s’est produit en Amérique où le principe de laïcité vise à garantir la liberté religieuse et à la protéger d’un État trop envahissant. «D’où un logiciel national supposé plus tolérant et apte à gérer les différences», poursuit Vaïsse.

Les émeutes des banlieues françaises de 2005 ou l’assassinat du cinéaste hollandais Theo Van Gogh en 2004 n’ont fait que renforcer cette conviction, la manière dont l’Europe gère ses minorités musulmanes apparaissant comme un repoussoir. Comme l’ont bien montré les piques critiques d’Obama sur la question de l’interdiction du voile lors de son passage en France, l’Amérique ne parvient pas à comprendre pourquoi Paris a banni le foulard des écoles ni pourquoi elle semble si remontée contre la burqa. Persuadée d’avoir le bon modèle, Washington organise d’ailleurs régulièrement des voyages d’initiation ciblés pour les élites musulmanes européennes.

Cellules dormantes

Des voix s’élèvent pourtant pour expliquer que le tableau trop idyllique peint par Obama de l’islam d’Amérique cache une réalité aussi contrastée que les nombreuses communautés qui la composent. Si beaucoup de groupes apparaissent bien intégrés, d’autres versent parfois dans la radicalisation, comme l’a montré l’exemple des communautés somaliennes du Minnesota qui abritaient des «cellules de jihadistes dormants» prêts à s’exporter vers la Corne de l’Afrique. La radicalité des convertis suscite aussi des questions qui font écho à celles qui se posent en Europe.

Ce courant de pensée pessimiste, beaucoup plus présent côté républicain que démocrate, critique Obama pour sa «naïveté», appelant à méditer l’exemple européen et à ne pas sous-estimer les risques d’un multiculturalisme qui finirait par empiéter sur les valeurs de liberté de l’Amérique.

La Maison-Blanche réplique qu’elle n’a jamais baissé la garde face aux radicaux. Mais qu’elle ne voit qu’une seule manière de lutter politiquement contre le radicalisme : donner à la communauté musulmane un sentiment d’appartenance et de liberté tel qu’il ne lui vienne pas à l’idée de détruire le modèle américain, mais de le défendre.

About this publication