Mission Almost Impossible

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(Québec) «Avec un allié comme ça, on n’a pas besoin d’ennemi», devait sans doute se dire Hillary Clinton lors de son premier séjour au Pakistan, en fin de semaine.

La secrétaire d’État américaine s’est en effet livrée à une mission presque impossible, celle de rétablir un lien de confiance entre son pays et le Pakistan, son principal allié dans la guerre d’Afghanistan, guerre qui se livre d’ailleurs en partie sur son territoire. Ce fut, dit-on, le plus pénible et difficile voyage accompli depuis qu’elle dirige la diplomatie américaine. En effet, la situation se dégrade et se complique presque quotidiennement dans ces deux pays, pour les alliés.

Quand elle affirme à haute voix son scepticisme face à l’incapacité du gouvernement d’Islamabad à localiser les dirigeants d’Al-Qaida réfugiés sur son territoire, cela en dit long sur son impatience. Clinton est apparemment le plus haut membre du gouvernement des États-Unis à évoquer aussi ouvertement les frustrations américaines à l’égard du Pakistan depuis le 11 septembre 2001.

Elle accuse, ou presque, ses hôtes de «complicité» – sans avoir cependant prononcé le mot – avec l’ennemi juré des États-Unis depuis huit ans. C’est en tout cas ce que les médias retiennent de ses discours. On pouvait à la rigueur pardonner au pouvoir pakistanais une certaine duplicité dans ses rapports avec les talibans, à la fois des frères et des fils, qu’ils soient afghans ou pakistanais, mais pas avec Al-Qaida et Oussama ben Laden.

Mais plus que tout, Clinton voit peut-être plus clairement maintenant le type de guerre ou de piège dans lequel les États-Unis risquent de s’enliser au Pakistan, dans les prochains jours ou les prochaines semaines, quand Barack Obama aura enfin fait son lit sur la stratégie à suivre et sur l’envoi de renforts en Afghanistan.

Ses interlocuteurs et interlocutrices de toutes sortes lui ont amèrement reproché la guerre aérienne déjà menée par les États-Unis contre leurs compatriotes de ces fameuses zones tribales où se seraient notamment réfugiés les chefs d’Al-Qaida. Ces frappes visent bien sûr ces dirigeants, ni afghans, ni pakistanais, ni pachtounes, mais étrangers et principalement arabes. Mais elles font terriblement plus de victimes chez les civils tout autour, qui, elles, sont pakistanaises et pachtounes. Les zones tribales, frontalières entre l’Afghanistan et le Pakistan, que Kaboul revendique aussi comme territoire «national», ont beau échapper à l’autorité de l’État pakistanais, ce sont quand même des compatriotes qui y vivent et meurent.

Or, c’est pour soutenir ou amplifier ces frappes que les renforts américains projetés en Afghanistan sont en partie destinés. Qu’en sera-t-il si ces frappes aériennes, aussi précises soient-elles, visent cette fois la ville de Quetta, où se cacheraient aussi les dirigeants d’Al-Qaida? Quetta n’est pas une vulgaire bourgade de montagne ou de vallée, aussi inaccessible aux médias qu’à l’autorité de l’État pakistanais, mais une grande ville où le régime en place à Islamabad exerce pleinement sa souveraineté.

Les scènes d’horreur consécutives aux sanglants attentats des dernières semaines, dont celui de Peshawar, attribués à Al-Qaida, font scandale. Imaginez les mêmes scènes d’horreur, en grande zone urbaine, immensément ou en tout cas plus accessibles aux médias, mais attribuées cette fois à des opérations militaires américaines en territoire dit «allié».

Tout cela pour éviter une bataille au sol dans ces fameuses et difficiles «zones tribales», à partir du territoire afghan.

On comprend les frustrations de Clinton et les hésitations d’Obama.

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