Aux Etats-Unis, une fusillade sur une base militaire relance le débat sur l’Irak
Longtemps, les chaînes de télévision n’ont pas pu croire à un shooting, l’une de ces tueries qui se produisent régulièrement aux Etats-Unis, oeuvre d’un tireur fou. “Ce genre de tragédies ne se produit pas sur une base militaire”, a résumé l’ancien commandant de l’OTAN, le général Wesley Clark, alors que le bilan de la fusillade sur la base militaire de Fort Hood, au Texas, s’élevait déjà à neuf morts. Pendant plusieurs heures, jeudi 5 novembre, les commentateurs ont privilégié la thèse de l’attaque terroriste, soulignant que deux “suspects” avaient été arrêtés par la police militaire de la base, et que l’auteur des coups de feu avait “un nom à consonance arabe”.
Quand il a été confirmé que le tireur portait un uniforme militaire, les médias ont affiché une grande prudence : les uniformes pouvaient avoir été volés. Il a fallu des heures aux Américains pour se rendre à l’idée que ce “meurtre de masse survenu sur une installation militaire”, selon l’expression du général Barry McCaffrey, l’ancien responsable de la lutte antidrogue du président Clinton, était un acte politique. L’oeuvre d’un soldat en rupture, marqué par les dégâts psychologiques causés par la guerre en Irak et en Afghanistan. Un psychiatre ayant côtoyé les grands blessés à l’hôpital militaire de Walter Reed, à Washington, et qui devait à son tour partir pour le front.
Le major Nidal Hasan, 39 ans, a choisi, pour agir, le centre de préparation des soldats où les militaires en partance pour l’Irak et l’Afghanistan effectuent les dernières formalités. Il a ouvert le feu à 13 h 30, faisant douze morts et 31 de blessés. Avec deux armes de poing, il s’est ensuite dirigé vers une salle où se déroulait une remise de diplômes, à laquelle assistaient 600 personnes. “Plusieurs soldats ont réagi rapidement et ont fermé les portes de l’auditorium”, a affirmé le général Bob Cone, commandant de la base, précisant qu’une civile avait été la première à tirer sur l’agresseur, mettant fin au massacre.
“Pétrifié à l’idée de partir”
Blessé, Nidal Hasan a été arrêté. Né et élevé en Virginie, fils de parents immigrés originaires d’une petite ville palestinienne près de Jérusalem, le jeune homme a rejoint l’armée après le lycée, contre l’avis de ses parents. L’institution militaire lui a ensuite permis d’intégrer l’université et une école de médecine, où il fut formé pour devenir psychiatre.
Selon le New York Times, qui cite certains de ses proches, Nidal Hasan a commencé, il y a quelques années, à avoir des doutes sur sa carrière militaire, lorsque des soldats le harcelaient en raison de son origine. Il aurait aussi exprimé un sérieux scepticisme concernant son éventuel départ pour l’Irak ou l’Afghanistan. Pour avoir consulté des dossiers de soldats de retour de ces deux pays atteints de “stress post-traumatique” (PTSD) à l’hôpital militaire Walter Reed, à Washington, et à Fort Hood, Nidal Hasan connaît trop bien les réalités de la guerre, a souligné un de ses cousins, Nader Hasan. “Il était pétrifié à l’idée de partir, a-t-il affirmé. Des gens lui disaient tous les jours les horreurs de la guerre.”
L’événement a suscité une onde de choc dans le pays au moment où l’opinion s’interroge sur les engagements militaires américains. Le président Barack Obama a exprimé ses condoléances aux familles des victimes. Le Congrès a observé une minute de silence.
Fort Hood est la plus grande base de l’armée de terre américaine dans le monde. Elle abrite quelque 65 000 soldats et civils. C’est ici que passent pratiquement tous les soldats avant de s’envoler pour l’Irak. En juin, le commandant Rick Lynch expliquait sur CNN qu’il essayait de réduire le stress auquel étaient soumis les soldats. Fort Hood est la base la plus affectée par les suicides depuis le début de la guerre. Près de 75 soldats ont mis fin à leurs jours depuis mars 2003, dont neuf depuis le début de l’année.
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