Climate: Beijing’s Double-Talk

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A quelques jours du sommet de Copenhague sur le climat, que peut-on encore attendre de la Chine, premier pollueur de la planète ? Apparemment pas grand chose de plus que les maigres concessions déjà accordées sur une réduction de son intensité carbone, explique aux “Echos” Valérie Niquet, directeur du Centre Asie Ifri (Institut français des relations internationales).

Comment analysez-vous l’annonce chinoise d’objectifs de réduction d’intensité carbone, dans la foulée de l’annonce américaine ?

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On assiste actuellement à une compétition entre la Chine et les Etats-Unis, chacun veillant à ne pas apparaître comme celui qui ne fera pas ce qu’il faut pour le climat. Cette annonce est donc extrêmement importante en termes d’image. Elle est aussi plutôt positive en termes d’engagement, bien qu’il ne s’agisse que d’une réduction de l’intensité carbone et non pas d’une réduction de 45% des émissions des gaz à effet de serre (GES), comme certains journaux l’ont écrit… ce qui est évidemment une victoire en terme d’image pour la Chine. Cela veut dire que la Chine produira un peu moins de gaz par point de PNB. Mais au vu des chiffres chinois, cela se traduira tout même, d’ici à 2020, par une augmentation de 90% des GES par rapport à 2005. On joue donc sur les mots et les apparences.

Ce n’est donc pas une si bonne nouvelle ?

La bonne nouvelle c’est que les Chinois promettent désormais de réduire leur intensité carbone. Jusqu’à maintenant, ils ne parlaient que de réduire leur intensité énergétique, c’est-à-dire d’utiliser moins d’énergie pour produire un point de PNB, leur objectif étant de réduire cette intensité énergétique de 20% en 2010. Ce qu’ils atteindront sans doute, notamment en raison de la crise économique. En réalité, il s’agit donc d’une prolongation de cette tendance puisque, quand on diminue l’utilisation de l’énergie pour produire 1 point de PNB – ce que les Chinois essaient de faire depuis longtemps, notamment pour des questions de coûts -, on réduit automatiquement l’intensité carbone.

En prenant aujourd’hui en compte l’intensité carbone, la Chine montre qu’elle accepte de reconnaître l’importance de l’enjeu climatique. Cette prise de conscience est importante mais elle correspond aussi à une volonté de Pékin de se positionner sur la scène internationale et en particulier par rapport aux Etats-Unis. Si l’on n’en parlait pas à l’extérieur, l’environnement ne deviendrait pas un enjeu vital en Chine. Mais un certain nombre d’experts plus ou moins proches des autorités chinoises les ont convaincues que la Chine pouvait, à peu de frais voire même en en tirant des avantages financiers considérables, s’acheter une bonne conscience et une bonne image sur la scène internationale avec un certain nombre de déclarations peu coûteuses. C’est à la mise en oeuvre de cette stratégie par le pouvoir que l’on assiste maintenant. Car, sur le fond, il n’y pas de bouleversements majeurs.

Peut-on espérer davantage de concessions chinoises à Copenhague ? Jusqu’où Pékin pourrait-il aller ?

Je ne pense pas que les autorités chinoises aillent au-delà de ce qu’elles viennent de proposer en termes de réduction des émissions et qu’elles présentent comme un très grand pas en avant. Dans leur esprit, la négociation de Copenhague doit maintenant se concentrer sur ce qu’on vont faire les Occidentaux et être l’occasion d’essayer d’obtenir de ces derniers un maximum de concessions.

Plus précisément, qu’attendent les Chinois de Copenhague ?

Un engagement financier massif de la part de l’Occident qui lui permettrait de faciliter la transition de son économie vers une économie plus verte avec une montée en gamme technologique. Ce ne sera sans doute pas accepté – en tous cas pas par les Etats-Unis.

Dans quelle mesure la question de l’environnement a-t-elle fait évoluer les relations internationales et notamment les relations sino-américaines ?

Pour la Chine, l’environnement est un enjeu parmi d’autres dans les rapports de force qui s’établissent avec les partenaires extérieurs. En 2009 et après l’arrivée au pouvoir d’Obama, on a cru assister à l’instauration d’un partenariat privilégié entre une Chine, désormais reconnue comme une grande puissance mondiale, et les Etats-Unis, voire à une sorte de “G2”. Mais il semble qu’en mettant l’accent sur l’importance de la présence américaine en Asie et de ses autres alliés dans la région, au cours de sa visite en Chine, Obama ait un peu déçu les attentes chinoises. Du coup, d’une situation de “complicité”, on semble être passé à une “rivalité” qu’illustre par exemple l’annonce de la venue du Premier ministre Wen Jibao à Copenhague juste au lendemain l’annonce de la présence d’Obama à ce sommet. Mais c’est aussi l’émergence de cette rivalité qui a permis de débloquer un certain nombre de choses avant même Copenhague.

Et avec l’Inde, peut-on aussi parler de rivalité ?

L’Inde est beaucoup moins émettrice que la Chine, premier pollueur de la planète, et est donc soumise à une pression moins forte concernant ses promesses d’engagement. Pour le moment, ses positions sont plus radicales que la Chine. Elle insiste notamment beaucoup sur la question de la production de GES par habitant. Et pour cause : ainsi calculé, son niveau d’émissions est très bas par rapport à la Chine et cela lui évite tout engagement. L’Inde semble aussi afficher des exigences très fortes sur l’ouverture des droits de la propriété intellectuelle pour les technologies vertes. La Chine, s’imaginant déjà pouvoir produire certaines de ces technologies qu’elle n’a absolument pas l’intention de partager gratuitement avec la terre entière, se veut plus prudente. Enfin, l’Inde et la Chine se veulent toutes deux leaders des pays en développement.

Mais aujourd’hui, la Chine est prise au piège, à la fois de son image, de deuxième puissance économique mondiale qui est d’ailleurs totalement disproportionnée par rapport à la réalité – il suffit de se rendre dans la campagne chinoise pour mesurer combien le pays est encore confronté à des enjeux de développement considérables – et de son double discours. Elle tient en effet à la fois un discours de puissance qui sert à légitimer le régime autour de l’idée de fierté nationale et un discours quasiment tiers-mondiste auquel plus personne ne croit. Les dernières promesses chinoises sont un peu un moyen de se sortir de cette position délicate en jouant l’effet d’annonce avec des conséquences limitées.

Assiste-t-on à une redéfinition des relations internationales autour de cette question du climat ?

Je ne le pense pas. A la veille Copenhague on observe, au contraire, une confirmation de positionnements plus anciens selon trois groupes :

– les nouvelles puissances post-modernes (Japon, UE), qui forment un axe très en pointe. Mais reste à savoir, s’il est réaliste ;

– les puissances classiques avec pour chef de file les Etats-Unis qui, menés par Obama, tendent à se rapprocher de la position européenne – même si on en est encore très loin notamment en raison de limites internes – et sont plus ouverts qu’auparavant aux jeux multilatéraux ;

– et les pays en développement, auxquels se rattache l’Inde, la Chine restant plutôt isolée et traditionnellement très centrée sur elle-même.

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