Obama, Nobel of the Just War

Edited by Robin Silberman

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Président de guerre il est, et il restera. Barack Obama n’a pas eu peur de pousser le paradoxe à l’extrême hier, dans son discours de réception du prix Nobel de la paix, à Oslo. «Nous sommes en guerre», a-t-il reconnu, dès ses premières phrases, avant de se lancer dans un long rappel, philosophique et historique, des raisons de la guerre. «La guerre est apparue avec le premier homme», a-t-il souligné. Elle est parfois «non seulement nécessaire mais moralement justifiée», a-t-il poursuivi, citant les exemples de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée ou des Balkans. Le Vietnam n’a tout de même pas été invoqué.

«Farce». Tout en se proclamant l’héritier de Martin Luther King, dont il avait relu le discours de réception du prix Nobel en 1964, pour se préparer, Obama a ainsi souligné que le refus de la violence prôné par Martin Luther King ne peut être son seul guide, en tant que président des Etats-Unis. Mieux, Obama s’est servi de cette tribune pour prévenir le monde que les missions armées de l’Amérique ne sont pas prêtes de s’achever. Au fil de son discours, il a évoqué plusieurs pays, comme la Somalie, le Soudan, le Congo ou la Birmanie qui pourraient mériter des interventions armées. Dans ces trois derniers pays, «il doit y avoir des conséquences» au fait que les pouvoirs locaux «brutalisent leur propre peuple», a-t-il mis en garde.

Le comité Nobel avait il est vrai cherché la difficulté, en décernant cette année son prix à un président à peine installé au pouvoir, qui n’a pas eu le temps de faire rien de concret pour la paix mais vient au contraire d’envoyer de nouveaux renforts militaires en Afghanistan. Aux Etats-Unis, 26% seulement des électeurs estiment que ce prix Nobel est mérité, indique un sondage de l’université de Quinnipiac publié cette semaine. Le comité Nobel s’est permis «une farce à la Orwell» s’indignent les pacifistes, observant que ce prix, et ce discours, illustrent parfaitement la «double pensée» décrite par Georges Orwell dans 1984. L’un des slogans du Parti, dans le roman d’Orwell, était prémonitoire : «La guerre, c’est la paix.»

Ce discours marque un important «changement», se félicitait hier le néoconservateur Robert Kagan. «On revient vers un moralisme plus musclé, à la Truman ou à la Reagan. L’accent mis sur la force militaire, la guerre pour des causes justes et des principes moraux rappelle aussi la phrase de Theodore Roosevelt sur “l’homme juste en armes”. Après beaucoup de générosité rhétorique passée, Obama revient là à la “quintessence de l’Amérique”», suggère Kagan. Obama «pourrait vendre des chaussures à un serpent»,s’amusait hier aussi l’analyste Walter Russell Mead. Ce discours «était un plaidoyer bien pensé en faveur d’une politique étrangère qui diffère très peu de celle de George Bush.[…] Si Bush avait dit ces choses, le monde se serait répandu en dénonciations violentes. Quand Obama dit ça, les gens ronronnent».

«Évolution». S’il reconnaît que d’autres que lui auraient certainement mieux mérité ce prix, Obama s’est tout de même engagé à en faire bon usage en travaillant à une «évolution graduelle» de la condition humaine, comme l’avait prôné John Fitzgerald Kennedy. Ce qui signifie aussi promouvoir la démocratie, la sécurité économique ou encore la lutte contre le changement climatique.

Plus concrètement, le stratège Zbigniew Brzezinski suggère qu’Obama «saisisse l’occasion» de ce Nobel pour proposer son propre plan de paix au Moyen-Orient. Sur ce dossier,«on semble reculer» actuellement, a reconnu Barack Obama hier à Oslo.

En Afghanistan, le général Petraeus a aussi prévenu cette semaine que les prochains mois risquent d’être «encore plus violents»que les précédents, à mesure que les renforts américains vont s’attaquer aux «sanctuaires de l’ennemi». Ce ne sont là que quelques-uns des défis qui attendent le nouveau lauréat.

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