Farewell to Dreams of “Obamania”

Edited by Robin Silberman

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L’adieu aux rêves de l’obamania

[ 31/12/09 ]

JACQUES HUBERT-RODIER EST ÉDITORIALISTE AUX « ECHOS ».

Barack Obama, en arrivant il y a un an à la Maison-Blanche, avait suscité un espoir sans précédent non seulement en Amérique mais aussi dans le monde. Après les années Bush, le premier président noir américain incarnait aux yeux du monde la rupture. Pour décrire cet engouement, le terme d’ « obamania » a fait fureur. Un an après, ce fol espoir a laissé place à une certaine déception, comme en témoigne la chute de sa cote de popularité qui, de 70 % en janvier 2009, est tombée à 50 % d’opinions favorables. Un certain doute sur les immenses capacités à réinventer l’Amérique qu’on lui prêtait s’est diffusé, non seulement dans son propre pays mais aussi en Europe, voire au Moyen-Orient et dans d’autres régions du globe.

Pour beaucoup, cette déception tient au décalage entre la maîtrise du discours du président américain, capable de susciter le rêve d’un monde meilleur, et la difficulté à agir face à l’« épaisseur du monde », selon le concept du politologue François Heisbourg. Une difficulté d’autant plus forte que l’Amérique n’est plus l’hyperpuissance de l’après-guerre froide, mais seulement la plus forte puissance dans un monde multipolaire partagé avec d’autres puissances comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Ce qui oblige Barack Obama à mettre les Etats-Unis d’Amérique à l’heure de la « puissance relative ».

Cette difficulté est aggravée encore par le système politique américain de l’équilibre des pouvoirs, qui veut que toute loi – surtout lorsqu’elle débouche sur une réforme d’ampleur -soit négociée par l’exécutif avec le Congrès, même lorsque le président est majoritaire dans les deux Chambres.

Pour rendre encore plus difficile sa propre gouvernance, Barack Obama a choisi d’agir par consensus en faisant appel à « l’esprit bipartisan » des républicains et des démocrates. Cette méthode a certes l’avantage de mettre en évidence aux yeux de l’opinion publique américaine le radicalisme d’une fraction de l’opposition, mais elle présente le risque d’aboutir à des compromis peu satisfaisants pour les plus fervents partisans de Barack Obama.

Et pourtant, en dépit de l’impression de doute, peu de présidents américains peuvent se prévaloir d’avoir autant changé la donne dans un laps de temps aussi court. Le changement de cap est d’autant plus remarquable qu’il intervient au milieu d’une récession économique sans précédent depuis la Grande Dépression des années 1930.

Devant l’Association de la presse diplomatique française, Hubert Védrine se refusait à tout jugement hâtif sur la présidence Barack Obama. Quel était le bilan de Roosevelt dix mois après son arrivée à la présidence, s’interrogeait l’ancien ministre des Affaires étrangères ? Rien ! Et celui de Ronald Reagan ?

Pour Obama, l’année 2009 s’est achevée sur un succès « historique » aux Etats-Unis face aux opposants à sa réforme de l’assurance-maladie. Le Sénat a finalement adopté un texte de loi sur la santé qui doit être encore adapté à celui de la Chambre des représentants. Certes, à force de compromis, on est loin des promesses électorales, mais Obama est en passe de réussir une réforme de la protection médicale pour la première fois depuis la création en 1965 par le président Johnson de Medicare (assurance pour les personnes âgées de 65 ans et plus, et celles souffrant d’insuffisance rénale aiguë) et Medicaid (pour les Américains les plus défavorisés). Bill Clinton n’était pas parvenu à réformer le système de santé lors de sa présidence dans les années 1990, Ni au début ni au fin de son double mandat.

Sur la scène internationale, Barack Obama n’a fait en onze mois que planter le décor, mais il a sans conteste rompu avec les années Bush et le néoconservatisme. Le concept de la guerre de « préemption », qui avait donné un vernis idéologique à l’Amérique pour se lancer dans son aventure guerrière en Irak contre Saddam Hussein, est, avec Obama, relégué dans les poubelles de l’Histoire.

De même, son discours du Caire de juin dernier a non seulement marqué un total changement de cap par rapport à la politique de son prédécesseur, George W. Bush, mais il a eu un réel effet pour amorcer une réconciliation entre l’Amérique et le monde arabo-musulman. En Iran, sa politique de la main tendue a considérablement gêné le régime, qui, en faisant de l’antiaméricanisme primaire, jouait sur la corde du nationalisme. Ce qui semble plus difficile aujourd’hui.

Tous les défis n’ont pas été surmontés pour autant. A l’international, Obama est-il allé trop loin ou pas assez loin avec l’allié israélien en exigeant l’arrêt des colonisations israéliennes en Cisjordanie ? Dans cette région, l’espoir Obama n’a pas complètement disparu. « La bouée de sauvetage, c’est lui ou nul autre, aujourd’hui ou jamais », écrit le professeur Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, dans son dernier ouvrage. L’envoi de troupes supplémentaires et l’annonce d’une date de retrait seront-ils suffisants pour stabiliser l’Afghanistan ?

A l’intérieur, en dépit des signes de reprise, le président américain restera confronté à la question du chômage et à l’explosion de la dette publique. Surtout, 2009 était la dernière année où Barack Obama pouvait encore s’abriter derrière le bilan, désastreux, sur le front extérieur et intérieur, de son prédécesseur. 2010 s’annonce pour Barack Obama comme une année semée d’embûches. Et, à chaque échec, il sera jugé par l’opinion publique américaine comme responsable. En disant en 2009 « adieu à l’obamania », l’Amérique est revenue aux dures réalités et, avec elle, le monde.

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