Prision Reform to Fight the Defecit

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Contre le déficit, vidons les prisons, par Corine Lesnes

LE MONDE | 13.01.10 | 13h42

Et si on vidait les prisons ? Par ces temps d’austérité budgétaire, les responsables américains ont de l’imagination. Jusqu’ici, la surpopulation carcérale ne dérangeait que les éditorialistes du New York Times et les associations de défense des minorités. Voilà que l’idée fait son chemin : du Kansas à la Californie, les administrations pénales des Etats rivalisent d’initiatives pour désengorger les prisons. On pourrait se demander si c’est bien le moment de remettre les détenus dans les rues, parcourues de moins de policiers du fait des coupes dans les budgets des collectivités locales, mais c’est ainsi. La crise aidant, même les partisans du tout-répressif en viennent à réfléchir autrement.

Les Etats-Unis ont du chemin à faire. Le pays, faut-il le rappeler, est le champion du monde de l’incarcération. Il devance même la Chine, qui est quatre fois plus peuplée. Avec moins de 5 % de la population mondiale, l’Amérique compte presque un quart des prisonniers de la planète. Depuis 2008, l’accroissement a cessé, mais actuellement, ils sont encore 2,3 millions sous les verrous, soit 1 adulte sur 100 (contre 1,5 million de prisonniers en Chine). Si on ajoute les individus qui sont en liberté surveillée ou conditionnelle, le nombre atteint 7,3 millions, soit 1 adulte sur 31. Selon le Pew Center on the States, un organisme indépendant qui analyse les politiques des 50 Etats, un Noir sur 9, âgé de 20 à 34 ans, est en prison. Et 109 mineurs purgent une peine de prison à vie, incompressible, bien que leur crime n’ait pas entraîné mort d’homme : une situation sans équivalent dans les pays développés. 77 d’entre eux se trouvent en Floride.

La surpopulation carcérale s’explique par la politique pénale qui a suivi la vague de crime et l’épidémie de crack des années 1980. Par le fait de condamnations automatiques, les juges ont frappé sans distinction les simples toxicomanes et les trafiquants de drogue. De nouvelles lois ont imposé des peines sévères à la troisième infraction (selon le principe dit de “3 strikes out” hérité du base-ball).

En trente ans, la population des prisons a triplé, sous l’effet des infractions à la législation sur les stupéfiants. Les spécialistes ne sont pas d’accord sur les effets de ces mesures. Mais il serait difficile de ne pas mentionner que les Etats-Unis ont connu une baisse spectaculaire de la criminalité. Dans des villes comme New York, Dallas, Los Angeles, elle est au plus bas depuis quarante ans.

Mais aujourd’hui l’incarcération coûte trop cher. 43 Etats sont en déficit, et les prisons représentent leur deuxième poste de dépenses, après Medicaid, l’assurance-santé pour les pauvres. Loin devant l’éducation. Pour le gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger, un système qui consacre aux prisons 45 % de plus qu’aux universités “marche sur la tête”. La semaine dernière, il a proposé d’interdire pareille disproportion par voie d’amendement constitutionnel. La Californie est un Etat où les détenus ont déposé une plainte en nom collectif contre la surpopulation. La justice leur a donné raison. Elle a condamné le gouverneur à réduire de 40 000 le nombre de détenus en deux ans (mais il en a appelé à la Cour suprême).

Contraints d’éliminer les services de bus scolaire ou de fermer la bibliothèque pour payer la note des prisons, les élus se sont attaqués aux coûts de fonctionnement. La plupart des Etats ont déjà supprimé des postes de gardien ou amputé leurs salaires. Certains ont limité le nombre de visites médicales et de dentiste fournies aux détenus. La Géorgie a réduit le nombre de repas (mais le nombre de calories reste le même, a-t-elle assuré !). Quatre Etats ont carrément fermé des établissements, comme le Colorado ou le Michigan, où la population carcérale a déjà diminué de 8 % en dix-huit mois.

A plus long terme, les Etats revoient aussi leur politique pénale. Plusieurs d’entre eux ont remplacé les peines pour violation du régime de liberté conditionnelle par des travaux d’intérêt général. Le Kansas a mis en place un système de points pour bonne conduite, à convertir en jours de réduction de peine. D’autres imposent des cures de désintoxication pour se substituer à la prison pour usage de drogue. Rien de très original, mais une pensée nouvelle au pays du “3 strikes out”.

Pour réduire la population carcérale, il existe encore une solution infaillible : libérer les innocents. A cet égard, la justice américaine ne faiblit pas. Grâce aux tests ADN, 249 détenus jugés non coupables ont été remis en liberté depuis 1989. En décembre, James Bain, 54 ans, a quitté sa cellule après tente-cinq ans de prison, ce qui, à ce jour, fait de lui le recordman, si l’on peut dire, de l’erreur judiciaire. Il avait été condamné en 1974 à la perpétuité pour le viol d’un enfant de 9 ans. Grâce à une loi d’indemnisation votée en Floride (50 000 dollars par année d’incarcération), il devrait toucher 1,75 million de dollars. La même semaine, Donald E. Gates, détenu dans l’Arizona, a été reconnu innocent après vingt-huit ans derrière les barreaux. Lui aussi avait été condamné sur un témoignage douteux. Il a pris le Greyhound pour Washington, avec un billet offert par le gouvernement, des vêtements d’hiver et un pactole de 75 dollars.

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