Edited by Louis Standish
Le président a annoncé jeudi une “taxe sur la responsabilité de la crise financière” destinée aux plus grandes banques américaines. Pour Jean-Charles Rochet, de la Toulouse School of Economics, si le projet est une bonne surprise, il a peu de chances d’être adopté.
Que pensez vous du projet d’impôt sur les banques (taxe de responsabilité de la crise financière) dévoilé hier par Barack Obama ?
C’est une excellente surprise. Jusqu’à présent le président américain se montrait très timide, voire réticent, en matière de régulation financière. Barack Obama était sans doute absorbé par la réforme de la santé et ne pouvait pas être sur tous les fronts à la fois. Mais aujourd’hui, il fait preuve d’une réelle impulsion politique.
Quelles sont les chances que cette réforme passe en l’état ?
Elles sont moindres. Je suis très sceptique quant à la volonté du Congrès américain de voter ce projet. En effet, le système américain est très vérolé. Les députés sont influencés par un lobbying très puissant et pervers. Schématiquement pour se faire élire aux Etats-Unis, il faut avoir le soutien massif des grandes banques et des industries pharmaceutiques. De fait, malgré le traumatisme des pertes de Wall Street, les Américains gardent une confiance absolue dans le marché et restent très méfiants à l’égard de la régulation publique. Même s’ils admettent qu’il y a eu un fort interventionnisme au moment de la crise, ils ont du mal à en accepter les contreparties. Il ne serait donc pas surprenant qu’au final les députés américains votent un projet vidé de sa substance. Comme une taxe exceptionnelle d’un an sur les bonus par exemple…
Si elle venait quand même à être adoptée, quelles seraient les conséquences concrètes de cette taxe?
Cette taxe est avant tout un symbole plus qu’une réelle transformation du système. En effet, elle a pour objectif de faire payer aux banques les milliards dépensés lors de la crise grâce aux deniers publics. Mais concrètement, elle ne permettra pas de limiter les bonus ou les rémunérations des dirigeants. En effet, seuls les banquiers peuvent décider d’arrêter leurs excès. Et pour l’instant, ils ne semblent pas prêts pour cela. En Grande-Bretagne par exemple, les banques préfèrent payer la taxe sur les bonus plutôt que de réduire leur montant. La taxe Obama ne permettra pas non plus de régler la question, pourtant essentielle, des fonds propres et de l’exposition aux risques.
Pourquoi ?
Aujourd’hui, la seule solution pour réduire la prise de risque serait que les banques réduisent la taille de leurs activités spéculatives, notamment sur les produits dérivés. Mais pour cela, la régulation doit être modifiée dans son ensemble. Il faudrait notamment obliger les banques à augmenter leur capital en fonction de leur exposition aux risques. Une chose que personne ne semble prêt à accepter. Alors certes le Comité de Bâle travaille sur ces questions, mais dans l’ensemble il ne parvient à faire passer que des petites modifications à la marge.
Obama a demandé à ce que les autres Etats le suivent dans son initiative. Est-ce envisageable ?
Encore une fois, les choses ne vont pas vite mais elles vont dans le bon sens. Le fait qu’Obama se rallie à la cause de la régulation financière sera forcément favorable à une meilleure coopération internationale. Par ailleurs, d’autres Etats, comme la France et la Grande Bretagne, semblent aussi décidés à agir dans le domaine. Mais le problème est toujours le même. Si un Etat ne suit pas la règle, alors les autres n’ont plus d’intérêt à la suivre, puisqu’ils risquent une perte d’attractivité et donc des délocalisations. Tant que les Etats resteront guidés par leur égoïsme national, alors les déclarations d’intentions ne serviront à rien…
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