The United States in Haiti: A Question of Leadership

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Les Etats-Unis en Haïti, une question de leadership

A voir leur président apparaître aussi souvent sur les écrans, les Américains auraient pu croire que la catastrophe s’était produite sur leur sol. Dans les trois jours qui ont suivi le tremblement de terre à Haïti, le président Barack Obama a multiplié les déclarations à la Maison Blanche, envoyé 10 000 soldats, un porte-avions muni de 19 hélicoptères, et débloqué 100 millions de dollars. La marine a été priée de faire des miracles. Le navire-hôpital Comfort, un mastodonte équipé de douze salles d’opérations, n’avait jamais été prêt aussi vite. En moins de 48 heures, il a levé l’ancre pour Port-au-Prince où il devait arriver mercredi 20 janvier.

Barack Obama a d’entrée pris les choses en main – instinctivement, dirait-on presque. S’il a désigné le tout nouveau responsable de l’agence américaine pour le développement USAID, Rajiv Shah, un jeune médecin d’origine indienne, comme coordonnateur, c’est lui qui a déclaré la situation “prioritaire”, au point de mériter de retenir à Washington les secrétaires à la défense et aux affaires étrangères, attendus en Australie pour un sommet consacré à l’Afghanistan et à la lutte antiterroriste.

M. Obama a aussi dépêché l’un de ses plus proches collaborateurs, Dennis McDonough, à Port-au-Prince pour coordonner la communication. Il est vrai que les présentateurs des journaux du soir débarquaient, eux aussi, à Haïti (dans quel avion? demanderont certains).

RÉACTION ÉCLAIR BIEN ACCUEILLIE AUX ETATS-UNIS

L’administration Obama a-t-elle devancé l’appel ? S’est-elle indûment précipitée ? Sans doute est-ce l’avis de ceux – Français, Italiens, Brésiliens – dont les avions de secours se sont trouvés déroutés sur les autres aéroports de la région par des Américains croyant par définition bien faire, mais que nulle autorité supérieure n’avait mandatés.

Dans le quotidien USA Today, lundi 19 janvier, les spécialistes de l’US Air Force ont raconté comment ils avaient procédé en débarquant à l’aéroport 24 heures après le tremblement de terre. C’était la pagaille. La tour de contrôle était endommagée. “On est allés voir les pilotes et on leur a dit : hey, nous sommes des contrôleurs de combat de l’armée de l’air. Nous prenons le contrôle de l’aéroport”, a raconté le sergent Chris Grove.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Les Américains n’ignorent pas qu’on leur a reproché d’avoir évacué en priorité leurs compatriotes et d’avoir privilégié les vols militaires au détriment des secours : la sécurité, autrement dit, plutôt que l’aide humanitaire. Mais tout est rentré dans l’ordre, affirment-ils. Les vols de l’US Army sont désormais programmés de nuit.

Concernant les autres appareils, les priorités sont fixées “par le gouvernement haïtien”. Et la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a signé, lors de sa visite, un accord avec le président René Préval régularisant la prise de contrôle de l’aéroport. L’entretien a eu lieu dans le hangar “saisi” par le sergent Chris Grove et transformé depuis en QG américain.

Autant qu’un impératif humanitaire, Haïti est pour les Américains un impératif de sécurité nationale. A chaque soubresaut concernant la Caraïbe, et notamment Cuba, ils redoutent un exode qui jetterait des centaines de milliers de boat people vers la Floride, à 1 200 km seulement.

Pour justifier son engagement en faveur d’Haïti, Barack Obama a aussi ajouté un impératif moral au nom de “l’humanité commune” partagée par tous les peuples de la Terre. Pour l’image que les Américains se font d’eux-mêmes, et pour celle que leurs voisins ont d’eux, il est nécessaire d’aider au sauvetage d’Haïti, a-t-il dit. C’est une question de leadership.

Même si les deux situations n’ont rien à voir, le parallèle avec l’ouragan Katrina a été dressé, à son avantage – et à la grande satisfaction de la Maison Blanche. La réaction éclair du président – une demi-heure après avoir pris connaissance du séisme, il publiait déjà un communiqué – a été bien accueillie aux Etats-Unis, à quelques exceptions près.

La critique la plus acerbe a été celle de Rush Limbaugh, l’animateur radio de l’ultradroite, qui l’a accusé de courtiser la communauté afro-américaine, à un moment où elle se sent délaissée par son président “post-racial”.

LONGUE HISTOIRE SOUVENT TOURMENTÉE

Haïti entretient une longue histoire – et souvent tourmentée – avec les Etats-Unis depuis la première campagne de juillet 1915, décidée par Woodrow Wilson, le précurseur des interventions armées menées au nom de la promotion de la démocratie (l’occupation dura dix-neuf ans).

Les Etats-Unis sont “revenus” en 1994, lorsque Bill Clinton s’est mis en tête de rétablir au pouvoir le Père Jean-Bertrand Aristide, victime d’un coup d’Etat. Puis en 2004 pour chasser le même Aristide devenu un sanglant dictateur. A chaque fois, l’armée américaine a servi d’élément avancé d’une force multinationale de l’ONU.

Saisie d’une ambition de faire “bien”, l’administration Obama promet cette fois un engagement à long terme pour en finir avec un mal chronique. A un moment où deux guerres drainent leurs ressources, il est difficile de faire reproche aux Américains de prétendre à une quelconque nouvelle “occupation”.

Si l’ONU avait eu des contrôleurs aériens à Port-au-Prince le lendemain du séisme, le sergent Chris Grove n’en serait pas à gendarmer le ciel d’Haïti.

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