Obama Switches from Wall Street to Main Street

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Changement de cap pour Barack Obama avec l’annonce d’une réforme de la réglementation bancaire. Reversus dénonce les risques du biais électoraliste de ce lancement qui coincidait avec l’élection partielle au Massachusetts.

On ne peut guère en vouloir aux politiques US de prendre sous la pression de Main Street à bras le corps le sujet de la régulation bancaire. Néanmoins les mesures annoncées la semaine dernière par Barack Obama imposent une certaine prudence et doivent être analysées de manière dépassionnée…

D’un point de vue politique, il est intéressant de noter que le discours du 21 janvier dernier marquait une rupture dans le rapport d’influence des différents conseillers économiques d’Obama. Depuis le début de son mandat, l’axe Tim Geithner – Larry Summers constituait son principal socle de réflexion. Cependant, incarnant tout deux la politique de sauvetage des banques, leur influence s’est amenuisée à mesure que leurs cotes de popularité s’effondraient. Obama s’est alors davantage appuyé sur le tandem Paul Volcker – Austan Goolsbe dont la vision beaucoup plus dure au sujet de Wall Street correspond davantage aux aspirations de Main Street. Le changement de ton du Président américain est très clairement le reflet de cette déformation du rapport de force.

Barack Obama s’est ainsi fendu d’un discours très agressif envers les banques le 21 janvier dernier, jetant les bases d’une future réforme de la réglementation bancaire. Bien que le début de la réflexion date de plusieurs mois, le timing fut sans doute opportunément accéléré à mesure que la perte du Massachusetts par le parti démocrate se profilait. Le discours d’Obama s’est focalisé sur deux points : limiter la taille des banques ; et supprimer les activités les plus risquées (trading propriétaire, et activités liées aux hedge funds) au sein des banques où les dépôts sont garantis par l’Etat (une sorte de Glass-Steagall Act light). Je pense que ce sont des sujets plus populaires qu’essentiels (la taxe sur les banques est un sujet différent).

Bien sûr, le système bancaire se porterait bien mieux si les activités ciblées étaient davantage limitées, cependant trois remarques s’imposent. Supprimez le trading propriétaire (pour compte de la banque) n’aurait rien changé à la prise de risque qui a occasionné les pertes des banques. Ce ne sont pas ces lignes de métier qui sont à incriminer – les traders ne sont pas les architectes des produits titrisés. Ensuite quid des banques comme Morgan Stanley et Goldman Sachs dont les revenus dépendant de ces activités sont relativement élevés ? Leur incitation à sortir de l’espace supervisé du système bancaire serait forte. Et qui oserait affirmer que l’Etat n’interviendrait pas si Goldman Sachs devait faire faillite ? Enfin, comment distinguer ce qui relève du market-making, du trading de couverture, et du trading propriétaire ? La frontière est en effet souvent très ténue.

De même, limiter la taille des banques est un objectif honorable mais insuffisant. Le débat est d’abord technique. Quelle unité métrique ? La taille des actifs ? Les fonds propres ? Les profits ? Comme le montre Raghuram Rajan, les banques ont les moyens légaux de contourner le problème pour chaque référence métrique. Par ailleurs et plus fondamentalement, il n’est pas évident qu’être une entité large est synonyme de risque systémique, Bear Stern était relativement petit mais ses interconnections avec le reste de la sphère financière a rendu obligatoire l’intervention de l’Etat. Ce qui compte, c’est la concentration et la corrélation des risques. 20 petites banques exposées au même risque (le marché de l’immobilier par exemple…) sont plus dangereuses qu’une seule banque de taille agrégée équivalente mais à l’actif diversifié.

Si Barack Obama a raison de ne pas perdre de temps dans la réflexion sur la réforme de la réglementation bancaire, le risque est qu’une vision trop électoraliste du sujet finisse par se traduire par des mesures insuffisantes, bâclées, quelque peu hors sujet et au final paradoxalement pas assez contraignantes.

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