The Bankruptcy of Yemen, Hotbed of International Terrorism

<--

Après l’Afghanistan et le Pakistan, le Yémen est-il en passe de devenir le nouveau front de la lutte contre le terrorisme lié à la mouvance d’Al-Qaida ? La tentative d’attentat manquée, le 25 décembre dernier, contre un avion de ligne aux Etats-Unis à son approche de l’aéroport de Detroit aurait pu rester, simplement, un effrayant fait divers suivi d’une enquête policière. Mais, en dépit de l’échec de l’instigateur, un jeune Nigérian au visage angélique et fils de bonne famille, cette tentative a eu en quelques semaines d’importantes conséquences internationales.

La première est, bien entendu, de montrer que le terrorisme fondamentaliste, même très affaibli, est toujours une menace. Un apprenti kamikaze, agissant peut-être même de sa propre initiative et non pas sous le commandement direct d’un Oussama ben Laden comme les 19 pirates des attentats meurtriers du 11 septembre 2001 et sans une grosse logistique, a pu envoyer une onde de choc suffisante pour que l’on s’interroge sur les failles des systèmes de renseignements occidentaux et de surveillance policière dans les aéroports. Le père de l’apprenti sorcier, Umar Farouk Abdulmuttalab, n’avait-il d’ailleurs pas lui-même averti les autorités du virage fondamentaliste pris par son fils sans suite apparemment ? La crainte de nouveaux attentats, notamment contre des aéronefs civils, a déjà conduit à un renforcement des mesures de sécurité, voire à l’examen d’une généralisation de l’installation de scanners corporels dans les aéroports.

La deuxième conséquence est sans conteste géostraté-gique. Elle a brutalement changé l’agenda du président Barack Obama, qui avait, en 2009, décidé d’envoyer des renforts militaires en Afghanistan en en refaisant le point fort de la lutte contre le terrorisme.

Le Yémen est en ce début d’année remis sous les feux des projecteurs, même si Washington n’envisage pas d’envoyer massivement des troupes, et même si la piste suivie par l’apprenti terroriste est encore pleine d’ombres. Pour le gouvernement yéménite en tout cas, c’est bien au Yémen que le jeune Nigérian se serait rapproché de la nébuleuse liée à Oussama ben Laden. Il y aurait même entraîné et s’y serait procuré les explosifs.

De plus, il ne s’agit pas d’une première. Le Yémen a été le théâtre de nombreux attentats, comme celui, un an avant les attentats du 11 septembre 2001, contre le destroyer « USS Cole » dans le port d’Aden ou encore dans ses eaux territoriales contre le pétrolier français « Limburg ». A Guantanamo, la prison ouverte sur la concession à Cuba par le président Bush pour enfermer les « ennemis combattants » après le 11 septembre, le contingent des prisonniers yéménites a toujours figuré parmi les plus élevés, à côté notamment des Saoudiens. En outre, le Yémen est un pays de plus en plus fragilisé et qui offre toutes les possibilités de devenir un sanctuaire pour le réseau terroriste Al-Qaida. Au cours des dernières semaines, des militants de cette mouvance venant de l’Arabie saoudite voisine et de l’Egypte s’y seraient réfugiés, selon des responsables yéménites cités par la presse britannique.

Mais il faut éviter les confusions. Car le président Ali Abdallah Saleh, vingt ans après être arrivé au pouvoir lors de la réunion des deux Yémens, la République arabe du Yémen (Nord) et la République démocratique et populaire du Yémen (Sud), pourrait bien être tenté de mettre à profit la guerre contre le terrorisme pour réprimer son opposition. Pour le régime, la promesse de doublement de l’aide américaine, de 70 à 140 millions de dollars par an, pour aider à lutter contre le terrorisme est sur ce point bienvenue. Au nord, dans le gouvernorat de Saada, à la frontière avec l’Arabie saoudite, Sanaa est en effet confronté à une rébellion de militants chiites zaïdites. Une révolte déclenchée en 2004 à la suite de la mort d’un des dirigeants, Husein al-Houthis, et qui s’étend. Dans le sud, le président Saleh doit faire face à des pressions sécessionnistes. Pendant ce week-end, des incidents ont d’ailleurs eu lieu lors d’une grève générale appelée par des mouvement autonomistes.

Economiquement, le Yémen, un pays à la démographie galopante (46 % de la population a moins de 15 ans), est un Etat fragilisé. Il reste largement dépendant de la rente pétrolière, mais ses réserves en hydrocarbures, ainsi que celles en eau, s’épuisent et le taux de chômage est extrêmement élevé. La stratégie adoptée par Saleh, qui, aux yeux de nombre d’analystes, vise essentiellement à se maintenir au pouvoir, présente un risque pour l’Occident : celui, justement, de pousser la rébellion du Nord vers des soutiens comme l’Iran, comme le soulignait récemment le « think tank » International Crisis Group (*), ou encore à reléguer au deuxième plan les tentations autonomistes.

A la fin du mois de janvier, une conférence internationale sur le Yémen, en marge de celle sur l’Afghanistan, doit en principe se réunir à Londres. Certes, la lutte contre le terrorisme doit être un point important. Mais pas le seul. Loin de là. Car le Yémen a surtout besoin d’une aide économique, et vraisemblablement financière, pour éviter un éclatement qui conduirait le pays au rang des Etats en faillite. Ces Etats qui justement sont le terreau des guerriers contre l’Occident.

About this publication