Scott Brown Not Invited to Sit with First Lady

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Il y a fort à parier que Scott Brown ne sera pas parmi les invités de la First Lady au discours sur l’Etat de l’Union, ce grand cérémonial washingtonien qui voit le président des Etats-Unis livrer au Congrès son rapport annuel sur la situation du pays. C’est un parcours imposé, défini par la Constitution (article II, section 3). L’orateur se doit d’inclure la formule magique – “L’état de notre Union est fort” – mais les variantes sont acceptées. Gerald Ford est le seul à avoir osé dire que l’état de l’Union n’était “pas bon”. Ronald Reagan a toujours promis qu’il serait “meilleur”. En 2002, dans son discours sur “l’axe du mal”, George Bush déclarait dès la troisième phrase que l’état de l’Union n’avait “jamais été aussi fort”. En 2008, la phrase avait été reléguée à l’avant-dernière ligne. “L’état de notre Union restera fort”.

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Le State of the Union address a un côté “discours du trône”. D’ailleurs Thomas Jefferson, grand défenseur de la République, ne s’est jamais déplacé pour le prononcer. Il faisait livrer le texte au Congrès par son chef de cabinet (il est vrai qu’il était très mauvais orateur). Tous les présidents ont fait comme lui jusqu’à Woodrow Wilson qui a rétabli le prononcé en 1913. Le décorum n’a pas changé. L’aboyeur (le Sergent at arms) annonce les corps constitués, les membres du cabinet. Les militaires sont en grand uniforme. Les juges de la Cour suprême défilent en robe noire. Pendant le discours, les parlementaires se lèvent et se rasseyent sans faiblir, pour applaudir. En 2007, George Bush a été interrompu 61 fois pendant un discours de 49 minutes. En 2000, Bill Clinton, qui faisait ses adieux, a battu les records : 89 minutes de speech ; 128 ovations.

Etre invité au balcon de la Première Dame est un privilège. Généralement, les présidents choisissent des héros ordinaires (le pilote qui a posé son avion miraculeusement sur l’Hudson), des figures rédemptrices (le trafiquant de drogue devenu séminariste en prison), des incarnations du moment… Scott Brown aurait pu être là. A lui tout seul, le sénateur nouvellement élu du Massachusetts a bousculé les priorités du président Obama. Il est devenu le symbole de 2010. “La voix indépendante du Massachusetts”, a-t-il dit. Les indépendants sont cette race d’électeurs qui votent, selon l’humeur du moment, pour les démocrates ou les républicains. En 2008, ils avaient choisi Obama. Depuis quelques mois, ils s’en sont détournés. Ils sont par définition pour le changement, et s’il ne vient pas assez vite, qu’à cela ne tienne : changeons le changement.

Les républicains sont en quête d’homme providentiel. A peine avait-il conquis le siège du Massachusetts, dit “siège des Kennedy” mais habilement rebaptisé par ses soins “siège du peuple”, que Scott Brown, 50 ans, a été comparé à Barack Obama. Même carrure d’athlète, même profession (juriste), même enfance sans père (les parents de Brown ont divorcé quatre fois chacun), même éducation dans les bonnes écoles (Boston Collège, l’université jésuite de Boston, pour Brown). Même faculté de traverser les lignes. Elu d’un Etat foncièrement démocrate, le républicain n’est pas opposé à l’avortement, ni à la couverture maladie universelle, façon Massachusetts.

Mais Scott Brown a plutôt le profil de John McCain, qui est d’ailleurs son mentor au Sénat. Un “maverick”, un anticonformiste qui a fait campagne avec sa camionnette – une GMC Canyon – et à coups de spots tournés dans sa cuisine. A sa première visite au Congrès, les appariteurs lui ont demandé des autographes. La presse l’a interrogé sur ses prétentions présidentielles. “La première fois que j’ai su que quelque chose de grand se préparait, c’est quand j’ai vu un panneau Scott Brown que je n’avais pas planté moi-même”, a-t-il plaisanté.

Son grand fait d’armes est d’avoir posé nu pour la double page centrale de Cosmopolitan alors qu’il avait 22 ans et qu’il était en fac de droit (c’était pour payer ses études). La photo – de 1982 – n’a pas été retenue contre lui par les électeurs, au grand dam des féministes qui ont protesté que, dans le cas inverse, une femme aurait été fusillée par les médias. Le soir de la victoire, Scott Brown et sa famille étaient aux anges. Le vainqueur a présenté sa femme, une journaliste de la télévision locale. Et leurs deux filles Ayla et Arianna, une brune et une blonde. “Elles sont disponibles”, a-t-il claironné. La seconde d’après, il rectifiait. “Non, je plaisante. Arianna n’est pas libre, Mais Ayla est absolument disponible.” Pourchassée par les médias sur le campus de Boston College, où elle est la star de l’équipe de basket-ball, l’intéressée a indiqué que non, elle n’avait aucune intention de poser nue, et que non elle n’était pas ulcérée par les mufleries de son père (“That’s so my Dad”, a-t-elle dit. – c’est tellement lui). Là-dessus, une maison de disques s’est enfin intéressée au CD qu’elle enregistrait depuis quatre ans (elle a été finaliste de l’émission “American Idol”)…

Les démocrates n’ont pas fini de digérer la victoire hollywoodienne de Scott Brown. Certains y voient un retour de bâton après 2008. Le retour du macho. La revanche de l’homme blanc. Avec une camionnette qui consomme 15 litres aux 100.

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