Obama Exposes European Weaknesses

<--

Bush n’était pas le problème. Obama n’est pas la solution : un an après l’arrivée à la Maison Blanche d’un président démocrate, le désenchantement est réciproque de part et d’autre de l’Atlantique. Les alliés découvrent – si tant est qu’ils l’ignoraient – que les malentendus vont au-delà des personnes. “Les Européens sont mal dans leur peau”, soupirait récemment un responsable américain, fatigué de s’entendre interroger sur le prétendu manque d’intérêt de M. Obama pour le Vieux Continent. “Les Américains adorent avoir l’air de ne rien comprendre à l’Europe”, rétorque un Européen.

Barack Obama a mis les pieds dans le plat lundi 1er février en faisant savoir qu’il ne se rendrait pas les 24 et 25 mai à Madrid pour le sommet entre l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, un rituel qui réunit le chef de l’exécutif américain avec le président de l’UE, celui de la Commission européenne et le haut représentant pour les affaires étrangères.

A Madrid et à Bruxelles, beaucoup ont attribué cette décision à la situation politique américaine, qui oblige M. Obama à battre la campagne pour reconquérir l’opinion. “Il a besoin d’alléger son programme de voyages à l’étranger”, a assuré le président de la Commission, José Manuel Barroso. Côté américain, la brusquerie du geste (la Maison Blanche n’avait pas prévenu l’ambassadeur espagnol) traduit plutôt une frustration. Aux yeux de Washington, le traité de Lisbonne ne tient pas ses promesses. Indispensable, l’Europe n’est pas jugée très efficace.

En substance, le président américain ira rendre visite aux Européens lorsqu’ils seront organisés pour traiter des sujets sérieux.

Le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, avait fait de cette rencontre une priorité de sa présidence semestrielle de l’UE. Mais M. Obama a déjà participé à deux sommets UE-Etats-Unis. A chaque fois, il a trouvé qu’il ne s’y passait rien. A Prague, en avril 2009,il a fui le dîner d’apparat. A Washington, début novembre, il s’est fait représenter au déjeuner par le vice-président Joseph Biden.

Les grandes capitales européennes ne donnent pas tort au président américain, et les malheurs de M. Zapatero ne les chagrinent guère. “Au fil des ans, les sommets UE-Etats-Unis sont devenus pathétiques. La faute en revient aux Européens. Au lieu de parler des grands problèmes du monde, on s’enlise dans les contentieux sur le pouletau chlore. Le président américain se retrouve devant un dirigeant qui change à chaque fois et dans la plupart des cas, ne connaît pas les dossiers du monde”, explique une grande chancellerie européenne.

Les diplomates américains ont essayé de faire comprendre à leurs partenaires qu’il serait utile de mettre à l’ordre du jour les sujets intéressant M. Obama. Qu’il n’était plus possible de prétendre à l’unité tout en réclamant sans arrêt des rendez-vous particuliers à Washington. M. Obama est agacé des us et coutumes européennes, qui le contraignent à faire des déplacements pour figurer aux côtés de dirigeants européens soucieux de reconnaissance ou de compréhension pour leurs commémorations historiques. Ainsi, Angela Merkel a été blessée que M. Obama ne se rende qu’au camp de concentration de Buchenwald, en juin, rappelant à l’Allemagne son seul passé nazi et ne participe aux célébrations du vingtième anniversaire de la chute du Mur à Berlin le 9 novembre. Mais M. Obama n’a pas le temps. “Time is money”, se sont entendus dire des Européens lors d’une réunion à Bruxelles.

Sur le fond, les Vingt-Sept voient bien qu’ils sont incapables d’agir sur la scène extérieure. “Le traité de Lisbonne était censé donner de la lisibilité et de la continuité à notre action. Pour l’instant, c’est l’échec”, estime un diplomate français. Personne ne comprend rien à la répartition des compétences entre présidence stable (M. Van Rompuy) et tournante (M. Zapatero) de l’UE ; la vacance du pouvoir est patente avec la Commission Barroso qui n’en finit pas d’être investie par le Parlement européen ; le service diplomatique commun de l’Europe de Catherine Ashton, haute représentante pour les affaires étrangères, n’est toujours pas installé.

L’administration Obama a applaudi à la ratification du traité de Lisbonne. Un peu moins à la nomination du tandem Rompuy-Ashton. Mais la diplomatie américaine a décidé de jouer le jeu de Lisbonne. Le 21 janvier 2010, elle a ostensiblement “adoubé” Lady Ashton en visite pour la première fois à Washington. La secrétaire d’Etat Hillary Clinton s’est enthousiasmée pour la “maturation” de l’Europe, lui a réservé un accueil exceptionnel, avec une réunion de plus d’une heure et demie suivie d’un déjeuner. “Nous nous réjouissons de travailler avec celle qui est la représentante autorisée de la politique étrangère” de l’UE, a dit, lundi, Philip Gordon, l’adjoint de Mme Clinton pour l’Europe.

Les frictions transatlantiques sont réelles, les Européens ne répondant pas toujours aux demandes américaines, mais sans commune mesure avec les différends de l’époque Bush. Les deux continents sont plus proches sur la crise financière que lors des G20 de Washington et Londres. L’offensive de M. Obama contre les bonus des banques le met au diapason de Paris et Londres.

Après avoir dénoncé l’impérialisme de M. Bush, les Européens reprochent à M. Obama son impuissance. Il lui font grief de ne pas avoir été su faire plier la Chine lors du sommet de Copenhague sur la lutte contre le réchauffement climatique. “Nous avons surestimé sa marge de manoeuvre”, explique un conseiller de l’exécutif français ; “Les Chinois avaient un faible en face d’eux”, accuse un proche de M. Sarkozy. A Paris, on juge que M. Obama s’est fait humilier par la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie. L’Elysée est convaincu que le président américain finira par adopter la position de faucon de la France sur l’Iran.

Les Européens sont d’autant plus amers qu’ils ont subi un camouflet là où ils espéraient triompher, à Copenhague. Les Etats-Unis leur ont donné l’impression de les marginaliser pour mieux négocier avec la Chine et l’Inde. L’Europe n’a pas su entraîner le reste du monde. “Lorsque les intérêts vitaux des pays sont en jeu, on n’agit plus ni par autorité ni par exemplarité”, résume un diplomate français.

Reste l’Afghanistan. Les Européens ont égrené des annonces de renforts pour s’attirer les bonnes grâces de Washington mais sans vision stratégique, regrettent les Américains. Et les contributeurs sont pingres : à la veille de la réunion des ministres de la défense de l’OTAN à Istanbul jeudi 4 février, il manque 2 400 formateurs pour les forces de sécurité afghanes.

M. Obama devrait participer à un sommet EU-Etats-Unis au second semestre, probablement en parallèle à celui de l’OTAN qui doit se tenir à Lisbonne en novembre. D’ici là, M. Van Rompuy, qui n’exclut pas de se rendre à Washington, espère avoir réussi à s’imposer.

About this publication