Barack Obama: ‘I Don’t Quit!’

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Barack Obama a retrouvé toute sa flamme rhétorique mercredi soir, pour son premier “Discours sur l’état de la nation”, devant le tout-Washington réuni au Capitole. Dès son introduction, le président a puisé dans l’histoire américaine, invoquant la crise de 1929 ou le Débarquement de 1944, pour rappeler que les Etats-Unis ont déjà connu des moments de “doute” qu’ils ont su surmonter. D’emblée, le 44ème président a ainsi reconnu que l’état de l’union, un an après son installation à la Maison Blanche, n’est pas fameux. Pour beaucoup d’Américains “le changement n’est pas venu assez vite. Certains sont frustrés; certains sont en colère” a-t-il concédé. Le président a ainsi pris acte des récentes claques électorales infligées au parti démocrate, notamment au Massachusetts la semaine dernière, qui ont sérieusement ébranlé son équipe. Mais c’était pour assurer, aussitôt après, que lui-même garde toute sa combativité: “Je n’ai jamais eu plus d’espoir en l’avenir de l’Amérique que ce soir” a assuré Barack Obama. Avec d’autant plus de fougue que la phrase est quand même difficile à croire.

S’il n’abandonne pas son espoir de “changer l’Amérique”, Barack Obama a tout de même dû ces dernières semaines, et notamment à cause de la défaite au Massachusetts qui lui a fait perdre sa “super-majorité” au Sénat, revoir son agenda politique. La priorité des priorités n’est plus de faire adopter la réforme de l’assurance-maladie, comme c’était le cas jusqu’à Noël encore, a bien montré le discours de ce mercredi soir. La priorité est maintenant la lutte contre le chômage et l’assainissement économique: “L’emploi doit être notre préoccupation numéro 1 en 2010” a souligné le président, appelant le congrès à adopter “sans délai” une nouvelle loi de création d’emplois. 30 milliards de dollars (récupérés sur le plan de sauvetage des banques de Wall Street, qui ont déjà remboursé les aides reçues) pourraient servir à soutenir le crédit aux PME, lesquelles profiteront aussi de nouvelles réductions d’impôts, a proposé le président.

A propos de la réforme de l’assurance-maladie, son projet phare il y a quelques semaines encore, Barack Obama a exhorté à “ne pas lui tourner le dos”. “Après presque un siècle de tentatives, nous sommes plus prêts que jamais d’apporter plus de sécurité dans la vie de tant d’Américains” a rappelé le président…. mais sans indiquer comment il compte maintenant sauver son projet. “Trouvons un moyen de nous réunir et d’achever le boulot pour le peuple américain” a-t-il seulement exhorté. Au Congrès, les leaders démocrates font mine maintenant de “n’être pas dans l’urgence” d’adopter cette réforme de la santé, et Barack Obama n’a pas révélé hier comment il pourrait les secouer de leur torpeur. De même, le président a rappelé au Congrès qu’il attend toujours de sa part une loi sur la régulation financière, et une autre sur le changement climatique… A défaut de légiférer, le Congrès a assuré une claque enthousiaste. Comme il est de coutume pour le discours sur l’état de l’union, le président a été maintes fois interrompu par les applaudissements debouts des élus de son parti.

Comme il se doit aussi lors de cet exercice, le président a survolé un peu tous les sujets, au risque de promettre le tout et son contraire. Il a ainsi annoncé un gel budgétaire de trois ans à partir de 2011, pour réduire le déficit abyssal des Etats-Unis, mais aussi promis toute une série de nouvelles mesures en matière d’éducation, des réductions d’impôts notamment en faveur des étudiants aux revenus modestes. Les homosexuels, qui se sentaient les grands oubliés de cette première année Obama, se sont vu rappeler aussi la promesse d’abolir la loi “Don’t ask, don’t tell” qui les oblige à cacher leur orientation sexuelle s’ils servent dans l’armée.

La politique étrangère, reléguée en fin de discours, a été vite expédiée. La principale indication est que l’heure n’est plus forcément au dialogue et aux mains tendues aux ennemis de l’Amérique. La Corée du nord (un des rares pays qui ont eu l’honneur d’être cités) est “confrontée à un isolement croissant et à des sanctions plus fortes”. L’Iran n’a pas été menacé encore de sanctions, mais “de conséquences croissantes” si ses leaders persistent “à ignorer leurs obligations”.

Barack Obama a reconnu enfin –une autre évidence- qu’il n’a guère réussi encore à changer la culture politique à Washington. Mais il a promis là aussi de continuer à s’y efforcer, en se proposant par exemple de rencontrer chaque mois les leaders non seulement démocrates mais aussi républicains du Congrès. “Je sais que vous n’attendez que cela” a-t-il lancé aux élus du Great Old Party dans l’une des petites pointes d’humour qui ont agrémenté son discours. A en croire un sondage CNN, le talent rhétorique du président a d’ailleurs encore fait merveille: 48% des Américains qui ont regardé le discours en ont retiré une opinion “très positive”, 10% l’ont trouvé “assez positif”, tandis que 21% seulement le jugeaient négativement. Comme souvent, il est probable toutefois que les partisans d’Obama étaient particulièrement nombreux parmi les spectateurs, les opposants purs et durs ayant souvent mieux à faire que de s’énerver devant leur téléviseur.

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