The Americans Have It Under Control

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(Port-au-Prince) Dans les heures qui ont suivi le tremblement de terre du 12 janvier, la tour de contrôle de l’aéroport s’étant écroulée, le gouvernement haïtien avait perdu la maîtrise de son espace aérien au moment où il en avait le plus besoin.

Qui a volé à la rescousse du gouvernement? Les Américains.

Ça tombait bien, ils avaient justement tout l’équipement pour prendre la maîtrise du ciel par-dessus les ondes haïtiennes et, ainsi, installer une tour temporaire.

D’une journée à l’autre, le trafic aérien à l’aéroport de Port-au-Prince est passé de 15 à 20 avions par jour à 140, voire 160 appareils.

«Il n’y avait que les Américains qui pouvaient faire ça, alors nous avons demandé à l’ambassadeur des États-Unis, a expliqué hier le premier ministre Jean-Max Bellerive aux sénateurs qui l’avaient convoqué pour expliquer les ratés de la gestion de crise de son gouvernement. De toute façon, même si on avait voulu le faire, nous n’en n’avons pas la capacité.»

La fin de semaine dernière, lorsqu’il est devenu évident que le gouvernement haïtien n’avait aucun plan de communication, qui est venu en vitesse avec une belle stratégie toute faite? Les Américains, bien sûr.

Un employé de USAID (l’équivalent américain de l’ONU) s’en est d’ailleurs ouvertement vanté devant des élus haïtiens, hier, au siège provisoire du Parlement. «On est arrivés et, depuis, il y a trois conférences de presse par jour et il y avait aujourd’hui 14 caméras de télévision et plein de médias internationaux», disait le jeune homme, visiblement ravi.

Pour distribuer les vivres dans les camps de sinistrés et dans certains quartiers chauds, qui débarque, croyez-vous? Les marines, bien sûr.

Même chose dans de nombreux hôpitaux de Port-au-Prince, où les médecins américains sont entrés juste derrière les M16 de leurs compatriotes soldats pour accaparer les salles d’opération. L’opération a presque tourné à l’empoignade là où les médecins cubains ou brésiliens ne voulaient pas céder leur place.

En fait, le secret le moins bien gardé à Port-au-Prince, c’est que l’homme le plus puissant ici, ce n’est pas le président, tant s’en faut, mais bien l’ambassadeur des États-Unis. Il suffit de voir l’imposante ambassade des États-Unis ici (intacte, évidemment) et de constater l’omniprésence des troupes américaines pour comprendre qu’Haïti est déjà de facto sous la tutelle de Washington.

Les écrans de fumée du gouvernement, notamment les nombreuses déclarations du président Préval, selon qui il n’y a pas, comme le veulent les rumeurs, jusqu’à 16 000 soldats américains en sol haïtien, ne trompent personne.

Au Sénat, hier, le premier ministre Bellerive a admis l’incurie de l’État haïtien.

«Nous faisons des efforts chaque jour pour améliorer la situation, pas pour contrôler la situation, soyons honnête», a-t-il dit pendant que, dans le fond de la salle, tout le monde parlait et que, tout autour, les téléphones portables sonnaient les uns après les autres.

La scène a atteint le comble du ridicule lorsque le cellulaire d’un préposé du Sénat s’est mis à sonner juste derrière le premier ministre, laissant retentir les notes synthétisées de La Bamba.

Le palais législatif étant presque entièrement détruit, l’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent à l’Académie de police, dans des baraques de chantier de construction. Symbole tout à fait approprié dans les circonstances. Il n’y a pas que les maisons et les infrastructures qui devront être reconstruites. Les institutions démocratiques, historiquement bancales ici, auront aussi besoin d’une sérieuse mise à niveau.

Pour le moment, le peuple comme la classe politique n’ont aucune confiance en leur gouvernement. Ils voient tous que celui-ci ne décide rien et que, lorsqu’il s’y risque, c’est pour donner des contrats aux amis du régime.

«Pour pallier son manque de leadership, le gouvernement a essayé d’organiser des opérations de distribution de nourriture, mais il a donné de juteux contrats à des amis du président qui ne savent pas faire cela», m’a dit le jeune sénateur Yuri Latortue à quelques mètres du premier ministre, qui tentait de rassurer les sénateurs.

Quelques minutes plus tard, même endroit, un tout autre son de cloche d’Enex Jean-Charles, conseiller spécial du président, venu assister à l’interpellation du premier ministre.

«Le président Préval est aux commandes, tout se passe bien», m’a affirmé M. Jean-Charles.

Pendant ce temps, une autre confusion naissait des propos du président René Préval. Devant les sénateurs, ce dernier a annoncé que le gouvernement allait se constituer en gouvernement de crise, une demande répétée des élus ces derniers jours. Les sénateurs ont compris que le nombre de ministres serait réduit (à cinq ou six au lieu de dix-sept) et que le président ferait appel aux forces vives du pays, même auprès de l’opposition, pour relancer le pays.

Non, non, non. On efface tout et on revient à la case départ.

«On ne parle pas de gouvernement de crise mais de situation d’urgence, a corrigé le conseiller spécial du président au cours de notre entretien. Pour le moment, aucun changement n’est prévu au gouvernement.»

En terminant, un mot, sur les fameuses 200 000 tentes dont ont toujours cruellement besoin les sinistrés et qui ne sont toujours pas arrivées.

Où en est le gouver- nement?

Il réfléchit, a déclaré le président Préval, lundi. «Il s’agit de savoir s’il est mieux d’importer les tentes ou de les fabriquer ici, question de donner de l’emploi aux Haïtiens», a-t-il dit au sortir d’une rencontre d’urgence.

Une rencontre avec qui? Avec l’ambassadeur des États-Unis, bien sûr.

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