New York Correspondant
Barack Obama, sur la défensive depuis plusieurs semaines, est-il sur le point d’appliquer une nouvelle tactique ? Mardi 8 février, le président américain a consacré sa journée à chercher un compromis avec l’opposition républicaine sur la réforme de la santé et la relance de l’emploi. Ordre de mission donné à son parti : avancer sur la voie du “bipartisanisme”. Les élus démocrates sont priés de trouver un terrain d’entente avec l’adversaire. M. Obama leur a demandé de “mettre de côté les différends internes pour le bien du pays”.
La Chambre ayant adopté un projet de loi pour le soutien à l’emploi, le chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, a immédiatement rebondi en annonçant la présentation au vote de la Chambre haute un texte de loi sur ce thème d’ici la fin de la semaine.
M. Obama a listé les thèmes où le compromis lui paraît envisageable : l’emploi, mais aussi l’assurance-maladie, le commerce extérieur, l’énergie et la lutte contre les déficits publics. “Je suis un éternel optimiste. Tout ce que je peux faire, c’est défendre ce que je crois bon pour le pays et présumer qu’avec le temps les gens, quels que soient leur parti et leur point de vue, finiront par voir la vérité”, a-t-il déclaré, mardi, à l’issue de sa réunion avec les représentants des deux partis.
Il a aussi rappelé l’autre pilier sur lequel repose sa philosophie “bipartisane” : préférer toujours l’adoption d’une réforme, même si elle reste loin de ses ambitions initiales, à l’absence de réforme. Jusqu’ici, on ne peut pas dire que cette attitude ait été politiquement profitable à M. Obama. La tactique républicaine consistant à “paralyser” toute initiative importante de la Maison Blanche a porté ses fruits. Chaque fois, l’administration a dû reculer et les démocrates ont perdu l’élection sénatoriale clé du Massachussetts, le 19 janvier. Pis, les sondages leur sont défavorables. Les républicains pâtissent moins de leur “obstructionnisme” que M. Obama de sa paralysie.
Or, au risque de s’aliéner encore plus la gauche de son parti, M. Obama persiste, et même accentue son “bipartisanisme”. Car l’équipe du président sait aussi analyser les sondages. Certes, la confiance de l’opinion s’érode, mais celle-ci émet des signaux contradictoires, comme c’est souvent le cas en temps de crise.
Ainsi, la perte par les démocrates de la majorité qualifiée (60 sièges) au Sénat, à la suite de la défaite du parti dans le Massachusetts est perçue comme une “bonne chose” par 57 % d’Américains. Mais 60 % d’entre eux jugent aussi que les républicains ne font pas assez de compromis. Et 63 % souhaitent que le Congrès parvienne à un accord sur l’assurance-maladie.
C’est sur cette tendance que la Maison Blanche s’appuie. Elle semble convaincue que cela lui sera bénéfique et qu’à terme, l’opinion, hormis la droite radicale, rejettera l’obstruction républicaine si elle perdure.
Voilà pourquoi le président a récemment proposé un débat commun aux deux partis à la Maison Blanche sur la réforme de la santé, chacun “apportant ses idées” pour mieux assurer la couverture médicale de la population et réduire les coûts. Le débat serait télévisé en direct. Date proposée : le 25 février. Les républicains posent des conditions, mais ils n’ont pu faire échouer l’initiative.
Le cas de la résorption des déficits publics est lui aussi symptomatique. Début février, M. Obama a appelé les sénateurs à travailler ensemble sur le dossier. Les républicains ont d’abord manifesté de fortes réticences, mais ils n’ont pu s’y opposer frontalement. En effet, ce thème est au coeur de leurs dénonciations des “gabegies” de l’Etat. Mardi, le chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a dû accepter le principe d’une commission bipartisane.
De même pour l’emploi, M. Obama fait le pari que nombre de républicains, menacés d’être débordés sur leur droite par leur frange ultraconservatrice, ce qui pourrait finir par leur nuire, ne se risqueront pas à refuser toute coopération en temps de crise aiguë. M. McConnell a d’ailleurs dit qu’il y avait “une chance” pour qu’ils soutiennent un projet démocrate, une fois amendé.
Au sein du parti démocrate, beaucoup jugent pourtant le pari présidentiel sans avenir. “En vérité, on n’avance pas beaucoup”, estime Steny Hoyer, leader de la majorité démocrate à la Chambre.
Plusieurs participants républicains à la réunion avec le président ont déjà dit qu’ils refusaient de participer au débat télévisé en direct. Durant la rencontre, M. Obama leur avait rappelé que son plan comportait un certain nombre de lignes rouges incontournables. “Le bipartisanisme, a-t-il expliqué, ne veut pas dire que les démocrates lâchent tout ce en quoi ils croient et acceptent les quelques points que les républicains défendent. Il faut que chacun y trouve son compte.”
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.