Google donne toujours l’effet d’un enfant sage pris les doigts dans la confiture. « Nous n’avons rien fait de mal ! » s’exclame en toute candeur sa directrice juridique, en recevant le questionnaire envoyé par les autorités bruxelloises de la concurrence.
Le bien, le mal… Google convoque facilement la morale pour justifier sa stratégie ou défendre ses positions. Mais la firme, qui se targue de ne vouloir que le bonheur de l’humanité, a de plus en plus de mal à tenir sa ligne christique. Enquête européenne, condamnations de dirigeants en Italie, procès un peu partout, pas une semaine ne se passe sans que le désormais richissime Google ne soit interpellé sur ses pratiques. Sans parler de son bras de fer avec les autorités chinoises.
Ce n’est pas de sa faute. Le californien subit juste la loi d’airain de l’innovateur, dont le parcours commence toujours dans l’euphorie et finit régulièrement devant les tribunaux. Edison, Microsoft et Steve Jobs en ont fait avant lui l’expérience.
Une innovation est par définition une rupture bénéfique, un petit miracle pour le consommateur. Qui nierait que la vie de chacun a changé après l’apparition de l’extraordinaire moteur de recherche ? Désormais, nous ne sommes plus seuls dans l’immensité de l’Internet. Nous le parcourons au bras d’un guide efficace et intelligent. Tout comme la vie a changé avec les logiciels de Microsoft ou l’iPhone d’Apple. Mais voilà, le monde capitaliste n’est pas le paradis et le revers de la médaille s’appelle rentabilité, croissance, domination, pouvoir… et abus de pouvoir.
Si Google avait voulu rester le bon samaritain de l’Internet, il aurait dû suivre la voie du bénévolat à la manière de Wikipédia. Star de la Bourse américaine, le moteur de recherche ne prône le gratuit que pour accroître ses profits. Et pour aller plus loin, après avoir saturé le marché publicitaire, il doit profiter de sa puissance pour explorer de nouveaux territoires.
Au risque de multiplier les conflits d’intérêts. Au risque de buter un jour sur la coalition de ses adversaires. Amazon, Microsoft, Yahoo!, ATT sont déjà sur le sentier de la guerre. Au risque enfin de s’empêtrer dans ses aventures et de rater la prochaine marche. C’est ce qui est arrivé à Microsoft, qui prépare l’Internet depuis quinze ans et n’a pas su arrêter Google, qui lui-même n’a pas pris à temps la mesure de la révolution Facebook. Les enfants sages grandissent et prennent du ventre, dépassés par de nouveaux galopins pleins de candeur et sans scrupules.
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