Reasons for Tension Between Beijing and Washington

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Pékin-Washington, les raisons de la tension

Depuis quelques semaines, les vexations s’enchaînent. Jeudi, le président américain a reçu le dalaï-lama, provoquant la colère de Pékin. En janvier, Google menaçait de cesser ses opérations en Chine après des attaques informatiques massives. Quelques jours plus tard, la Chine suspendait ses échanges militaires avec les Etats-Unis et annonçait des sanctions à l’encontre de sociétés américaines impliquées dans la vente d’armes à Taïwan. Les raisons de cette tension par François Godement, directeur de l’Asia Centre de Sciences-Po.

A quand remonte le coup de froid entre les Etats-Unis et la Chine?

Paradoxalement, les relations sino-américaines se sont tendues au moment où Obama s’est rendu en Chine, en novembre dernier. Au cours de ce voyage officiel, Barack Obama a tout fait pour minimiser les divergences, mais quelques incidents, comme la censure de deux grands entretiens du président américain dans la presse locale, ont rompu la lune de miel. Au sommet de Copenhague, les tensions entre les deux pays, incapables de s’accorder sur la répartition des efforts à faire pour lutter contre le réchauffement climatique, étaient à leur comble.

Plus récemment, la vente d’armes à Taïwan et la visite du dalaï-lama à la Maison-Blanche ont-elles mis de l’huile sur le feu?

Oui, pourtant il n’y a rien de nouveau. Les responsables diplomatiques américains sont les mêmes que sous l’ère George Bush. Barack Obama a respecté un délai assez long entre son voyage officiel en Chine et sa rencontre avec le dalaï-lama. Il l’a rencontré sans tapage médiatique. La vente d’armes à Taïwan est habituelle. Ce sont essentiellement des armes défensives qui ne menacent pas la sécurité de la Chine. Les Etats-Unis n’ont pas changé.

Barack Obama n’est pas plus sévère envers les Chinois?

Le président américain a une vision de la Chine assez proche de celle de son prédécesseur. Il admire le pays pour sa croissance économique et croit aux vertus d’un échange culturel. C’est pour cela qu’il a mis en place un programme offrant à des milliers d’étudiants américains la possibilité d’aller étudier en Chine. Contrairement à Hillary Clinton, Obama est loin des groupes démocrates qui prônent le durcissement du ton envers Pékin.

«La Chine lance des défis aux Américains»

Si ce ne sont pas les Etats-Unis, c’est donc la Chine qui a changé?

Elle est plus agressive. La Chine traite désormais les dirigeants américains avec la même négligence que s’ils étaient européens. Elle lance des défis aux Américains et s’en prend même à leurs entreprises. Fin janvier, fait sans précédent, les autorités ont brandi la menace de représailles à l’encontre des compagnies américaines impliquées dans le projet de vente d’armes à Taïwan, comme Boeing. La Chine a une perception de sa propre force qui est nouvelle.

Qu’est-ce qui a changé?

En 2009, la Chine a enregistré 13 % de croissance intérieure et est devenue le premier pays exportateur mondial. En outre, l’effondrement du système financier américain et international l’a confortée dans son modèle. Sa supériorité est aujourd’hui avérée. Elle prendra peut-être fin un jour, notamment si la bulle immobilière chinoise explose un jour.

Il y a quelques mois, on parlait encore d’un G2, sorte de directoire mondial assuré par les Etats-Unis et la Chine. Est-ce encore envisageable?

La Chine n’envisage pas de duopole. Elle souhaite étendre sa propre zone d’influence. Pour cela, elle organise sa souveraineté monétaire, en diversifiant ses investissements. La Chine délaisse d’ailleurs depuis quelques semaines les bons de Trésor américains. C’est la première fois depuis des années que le Japon reprend la place de premier créancier américain.

«Les Etats-Unis ont besoin de la Chine»

Quel est le périmètre de cette zone d’influence?

Illimité. Il y a une forte poussée chinoise en Afrique et en Amérique latine. La Chine consent aussi des prêts aux pays qui ont de grandes ressources énergétiques, comme la Russie et le Brésil. La Chine souhaite se tourner vers des pays en voie de développement plutôt que vers des Etats industrialisés. C’est sa stratégie.

Les tensions vont-elles nécessairement s’apaiser?

Les Etats-Unis ont besoin de la Chine, de son soutien politique sur les dossiers de la Corée du Nord et de l’Iran et de son soutien financier. Dès lors, les Etats-Unis restent prudents. Ils ont d’ailleurs peu réagi à la condamnation à onze ans de prison du chef de file de la dissidence chinoise, Liu Xiaobo. Seul un dérapage militaire pourrait enflammer les tensions.

Sur quel front?

Aux large des côtes chinoises. La Chine se plaint souvent de la politique de surveillance maritime des Etats-Unis. Début 2009, il y a eu un incident d’un navire de surveillance pris à partie par la marine chinoise. Cela pourrait se renouveler.

Entre la Chine et la France, les relations se sont-elles réchauffées?

Il y a eu normalisation sans chaleur. Nos systèmes industriels et économiques sont de plus en plus en concurrence. La Chine construit des autoroutes, des trains, des TGV et des centrales nucléaires… Cela va forcément créer des tensions.

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