Edited by Jessica Boesl
Depuis deux siècles, la démocratie américaine a souvent servi d’exemple. Elle est désormais menacée de paralysie. Le Congrès des Etats-Unis semble être devenu une immense machine à produire de la paperasse dont ne sort jamais rien d’important. Deux réformes majeures sont en passe d’y être lacérées. La première porte sur la santé. Le président Barack Obama doit dévoiler aujourd’hui de nouvelles concessions pour faire passer son projet. La seconde porte sur la réglementation de la finance. L’agence indépendante de protection du consommateur voulue par le président serait finalement une antenne de la banque centrale, cette Réserve fédérale qui a pourtant montré ces dernières années son aptitude à se faire capturer par la finance. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Obama a réussi à faire passer une seule loi majeure : son plan de relance. Mais c’était dans son premier mois de présidence, et pour lutter contre une crise d’une ampleur exceptionnelle. La dernière fois que ces circonstances avaient été réunies, c’était en 1933.
La paralysie du Capitole est attribuée à l’inexpérience du président face à un Congrès truffé de vieux routiers de la procédure parlementaire -ce n’est pas faux. Elle est aussi expliquée par la réticence instinctive des Américains à l’égard de l’action publique, et par un durcissement du clivage entre républicains et démocrates -ces explications ont leur part. Mais la cause essentielle du blocage est ailleurs, dans la combinaison de trois caractéristiques du système américain. D’abord, la Constitution est un régime dit présidentiel, où l’exécutif et le législatif ne peuvent rien s’imposer l’un à l’autre. Le seul pouvoir absolu de chacun est le blocage de l’autre. Ensuite, la liberté d’obstruction des parlementaires est telle qu’elle ne peut être surmontée que par une supermajorité de 60 %. Les démocrates n’ont plus cette rare majorité depuis la perte en janvier du siège de sénateur longtemps occupé par Ted Kennedy. Enfin, et c’est là la source de la paralysie croissante du système, les groupes de pression maîtrisent de mieux en mieux le processus parlementaire avec des moyens de plus en plus importants. L’an dernier, malgré la crise, les dépenses de lobbying ont battu tous leurs records, approchant selon certaines estimations 10 milliards de dollars. Le plus souvent, il s’agit là aussi de bloquer un changement. La dernière fois que les Américains ont touché à ces rouages constitutionnels, c’était en 1917.L’obstruction parlementaire avait failli empêcher le président Woodrow Wilson de décider l’entrée en guerre des Etats-Unis. Dans les conditions de fonctionnement actuelles, on peut se demander si celle-ci se serait jamais produite.
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