Robin Diallo, Adviser at the American Embassy: “What We Are Doing With AFRICOM”

Edited by Jessica Boesl


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Robin Diallo, conseillère à l’Ambassade des Etats-unis : «Ce que nous faisons avec Africom»

En réaction à l’article que «Le Quotidien» : a consacré aux visées militaires américaines en Afrique (voir : «Africom, l’échec des Etats-Unis», dans notre édition 9 février 2010), la diplomate Robin Diallo a tenu à expliquer, d’un point de vue américain, ce qui justifie la création d’un commandement militaire spécifique pour l’Afrique.

Propos recueillis par Momar DIENG – momar@lequotidien.sn

Excellence, le Commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique est finalement resté à Stuttgart. Pourquoi alors que des pays africains étaient prêts à l’accueillir ?

Une fois que la pertinence du projet Africom s’est imposée, la question était de savoir où baser ce nouveau commandement. Nous avons fait les recherches, nous avons discuté avec les Africains. Un pays nous a invités publiquement à nous installer chez lui, le Libéria. Mais il y avait sept autres pays qui voulaient eux aussi accueillir le commandement d’Africom.

Vous pouvez les citer ?

Non, car ce sont des offres qui avaient été faites en privé. Mais pour toutes ces demandes, nous avons évalué l’état des infrastructures existantes, notamment dans les secteurs des télécommunications et des transports. Et en fin de compte, nous avons choisi d’installer Africom à Stuttgart parce que c’était plus logique et plus pratique. Dans un autre pays africain, nous aurions été confrontés à beaucoup de difficultés, par exemple pour ce qui est du volet transport d’un point à un autre du continent, et souvent il aurait fallu transiter par l’Europe. Or à Stuttgart, il existe déjà l’ensemble des infrastructures dont Africom aura besoin pour une opérationnalité immédiate. Il faut seulement retenir qu’à tout moment, nous pouvons disposer d’un personnel de 2 500 civils et militaires qui sont disséminés sur le continent, dans les différents pays partenaires. Donc le choix de Stuttgart et non d’un pays africain est vraiment une question de logistique. En outre, le général Ward (Ndlr : William Ward, commandant de Africom) a dit une chose très importante : si Africom élit domicile dans un pays africain, cela veut dire que les Etats-Unis seraient absents des quarante neuf autres Etats du continent. Ce que moi, je trouve intéressant dans cette affaire, c’est qu’il y a six commandements. A part Eucom (Ndlr : Commandement militaire américain en Europe) et Africom qui sont basés en Europe, savez-vous où se trouvent les quatre autres commandements ? Vous le savez ?

Aux Etats-Unis.

Oui, ils sont tous aux Etats-Unis, et pas dans leur région de prédilection, parce qu’il y a toujours ce souci fondamental de tenir compte de l’état des infrastructures et de la logistique sur le terrain. Le Centcom (Ndlr : commandement central), le Commandement du Pacifique (Pacom), le Southcom (pour l’Amérique du Sud) sont tous en territoire américain. Un jour peut-être, Eucom et Africom vont déménager. Mais s’ils déménagent, ce sera aux Etats-Unis.

Donc, on peut retenir qu’Africom ne sera jamais installé en Afrique.

Au moment ou nous nous entretenons, nous n’avons aucun plan pour installer Africom sur le continent africain.

A part le Libéria, disiez-vous, sept autres Etats ont souhaité accueillir le Commandement africain. C’est le cas de l’Algérie par exemple ?

Non je ne sais pas ! (Pause) Wallaahi (Ndlr : Je jure devant Dieu) je ne sais pas. C’est privé. C’est entre les militaires et ces pays-là. Nous n’avons pas refusé les offres juste pour le plaisir de refuser, mais il y avait énormément de paramètres à considérer. En plus des facteurs cités plus haut, il fallait savoir ce que cela allait coûter financièrement.

Mais de façon générale, il semble que ce soient les pays africains, en dehors du Libéria, qui aient simplement refusé d’accueillir des bases militaires américaines sur leur sol.

Vous êtes mal informés. Ce n’est pas vrai. Tout ce qu’Africom fait l’a été sur invitation de l’Afrique et des pays africains. Nous avons discuté avec beaucoup de pays de la possibilité d’installer le Commandement en Afrique, mais en fin de compte, ce n’est pas qu’un Etat nous ait dit non ou que les Etats-Unis aient refusé, mais nous avons trouvé plus pertinent de domicilier le commandement africain à Stuttgart. Ce n’est pas vrai de dire que les Africains n’ont pas voulu d’Africom chez eux. Peut-être qu’il existe des pays qui n’en voulaient pas, mais il y en avait d’autres qui étaient intéressés. Aujourd’hui, le programme marche car il y a tout là-bas, et nous sommes en contact permanent avec le Pentagone. C’est efficace.

Beaucoup d’officiers Us de haut rang n’étaient pas convaincus par la pertinence de domicilier Africom en Afrique.

Le Général Ward qui est le commandant d’Africom a dit : «Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d’être dans un pays africain et d’être absent de tous les autres !» Ce n’est pas seulement Général Ward qui a décidé, mais tous les haut gradés ont également soutenu que ce n’était ni logique ni idéal.

Quelles raisons ont poussé les Etats-Unis à créer un commandement spécifique pour le continent ?

Parce que c’est un continent très important. L’Afrique était divisée entre les autres commandements militaires, d’où la difficulté d’en avoir une vue globale. C’est pourquoi les Etats-Unis ont estimé important d’y promouvoir la sécurité et la stabilité.

Les troupes américaines se font-elle un devoir d’intervenir là où il y aurait des troubles par exemple ?

Non, Africom est un programme d’encadrement qui n’intervient que sur invitation des pays africains. Par exemple, il fait beaucoup de formations à l’intention des soldats et cadres d’Armée de pays africains qui le souhaitent. Ce n’est pas pour amener des troupes là où il y a des problèmes, pas du tout. Africom est un instrument de coopération militaire qui attend d’être sollicité. Par exemple, le Sénégal peut formuler une demande dans un domaine précis, nous l’étudions et nous y apportons une réponse. C’est pourquoi le programme Africom est différent d’un pays à un autre car chaque pays a des priorités et des spécificités.

Cela, c’est le côté officiel des missions du Commandement africain. Tout de même, il existe d’autres raisons qui justifieraient que l’Amérique veuille s’installer en Afrique, en particulier sur les routes du pétrole.

Les-armées-des-Etats-Unis-ne-veulent-pas-s’installer-en-Afrique (Elle appuie sur chaque mot !)

Là, vous êtes en train de dire que les Etats-Unis n’ont aucune base militaire en Afrique.

C’est cela !

Ni en Algérie ni au Maroc, nulle part ?

Non. Nous avons une base, une sorte de base militaire à Djibouti.

Au Camp Lemonnier.

Oui, mais nous n’avons pas de base en Afrique.

Même à Sao-Tomé-Et-Principe ?

Non. Nous avons des militaires qui se déplacent de temps à temps, mais une base située en Afrique hors Djibouti, non. Nous ne sommes pas intéressés à avoir des bases militaires, nous voulons travailler avec les Africains pour assurer la stabilité et la sécurité du continent et du monde.

En même temps, vous voulez sécuriser les routes du pétrole et des autres richesses qui passent par l’Afrique ?

Non, parce que pour nous le pétrole, on n’en reçoit pas beaucoup d’Afrique.

Pourtant les experts estiment que d’ici 2020, les Etats-Unis achèteront 25% de leurs besoins pétroliers aux pays africains qui en sont producteurs. C’est beaucoup non !

(Pause) Mais… Vraiment… Je ne peux pas voir le futur pour dire… Ce n’est pas une question de pétrole. Je ne vois pas comment la coopération militaire entre les Etats-Unis et l’Afrique pour la stabilité du continent a quelque chose à voir avec 25% des besoins américains dans le futur !

Ne peut-on pas considérer que les Etats-Unis, et cela est compréhensible, sont également en Afrique pour protéger leurs intérêts économiques ?

Si on voulait cela, est-ce qu’il n’y a pas une meilleure façon d’y arriver ?

Laquelle ?

Pour faire la formation des Africains, parce que nous faisons cela partout et pas seulement là où il y a du pétrole… Cela n’a pas de sens, nous faisons beaucoup de formation et nous dépensons beaucoup d’argent… Si c’était vraiment pour protéger nos intérêts relatifs au pétrole, nous l’aurions dit clairement… Je ne vois pas comment tout cela est lié. Je ne vois pas.

Vous pouvez accepter que, à l’instar des Européens et de la Chine, les Etats-Unis sont aussi en Afrique pour sauvegarder ce qu’ils considèrent comme leurs intérêts. C’est légitime.

Donc vous avez raison. Chaque pays agit pour ses intérêts. Notre intérêt à nous, c’est la sécurité et la stabilité car sans cela, les groupes extrémistes peuvent mener leurs activités déstabilisantes. Je pense que le fait de prendre le pétrole comme repère ne permet pas de voir plus loin. La stabilité du continent africain est très importante pour le monde entier.

Etes-vous d’accord pour dire que la sécurité et la stabilité de l’Afrique peuvent intégrer la défense des intérêts économiques des Etats-Unis ?

En lieu et place du mot «défense», je préfère le mot «promouvoir». Car un continent comme l’Afrique, économiquement viable, cela nous aide franchement et cela aide le monde entier.

Cela vous aide à avoir moins de travail.

(Rires appuyés)

L’Afrique est-elle un terrain de compétition pour les Etats-Unis ?

(Silence) Je dirais non parce qu’avec un monde global, il y a toujours la concurrence, pas la compétition, et c’est ça la base de l’économie.

Donc des pays comme la France et la Chine ne sont pas des concurrents pour les Etats-Unis ?

Pas du tout sur le continent africain. Avec l’Afrique, nous sommes dans une dynamique de partenariat. Nous voulons tous la même chose : la sécurité et la stabilité. Et si nous voulons travailler avec l’Afrique dans le domaine économique, ces deux éléments sont essentiels.

Pêche illicite, piraterie, contre-terrorisme…

Structure tutélaire d’Africom, le Département de la défense (Dod) a pu disposer pour l’année 2009 d’un budget de 350 millions de dollars «en soutien aux efforts de lutte contre le terrorisme à l’étranger», lit-on dans une note du service de presse des Forces américaines en date du 8 janvier 2010, sur le site d’Africom. Appelés «Fonds 1 206», une partie de ce budget a été destinée «au renforcement de la capacité des partenaires sur le continent africain». L’Ethiopie (10,3 millions de dollars), le Kenya (15,2 millions), la Tunisie (8,8 millions pour ses Renseignements généraux) et le Nigeria (5 millions) ont bénéficié des subsides du Congrès pour «protéger leurs populations, sécuriser leurs frontières, soutenir le développement, contribuer à une meilleure gouvernance et aider à obtenir une stabilité régionale».

Mais Africom n’est pas que cela. Le programme aide également les pays partenaires du Commandement militaire des Usa à enrayer les fléaux tels que «la piraterie, le trafic illicite, le crime, la corruption, les maladies», ainsi que le phénomène des «personnes déplacées». En effet, un secteur comme la «pêche illicite» fait perdre aux pays du continent «un milliard de dollars chaque année», peut-on relever sur le site internet d’Africom.

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