La réforme Obama – Folie républicaine
Barack Obama a réussi là où tous les présidents des États-Unis depuis Teddy Roosevelt avaient échoué: l’assurance maladie. Après mille et une modifications apportées à son plan original, une majorité d’élus l’ont enfin adopté. Mais ce, au terme d’une guerre politique si féroce que le pays a rarement été aussi divisé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
De toutes les réformes majeures dessinées par les présidents de 1945 à aujourd’hui, celle confectionnée par Obama aura été la seule qu’aucun député de l’opposition n’aura votée. Aucun républicain n’a trouvé la moindre vertu à un programme qui étendra l’assurance à 95 % de la population d’ici 2019. C’est dire combien la fureur partisane des républicains est au diapason de l’absolutisme, voire du fanatisme. En agitant l’éventail des peurs tout en leur greffant des fictions, pour ne pas dire des mensonges, les républicains ont imprimé sur tout ce débat une dose éhontée de cynisme qui annonce, à quelques mois des législatives, une lutte d’une rare férocité.
En agissant comme il l’a fait, en instrumentalisant le Tea Party, soit la version américaine du Front National français, le Parti républicain est parvenu à occulter ceci: sur le flanc de la santé, l’État, cet État honni, est présent, bien présent depuis des lunes. En effet, lorsque l’on fait l’addition des programmes Medicaid et Medicare à d’autres moins ambitieux, sans oublier surtout les déductions fiscales accordées aux entreprises, on retient que la moitié des Américains bénéficient directement ou indirectement des aides de ce gouvernement si diabolisé que c’est à se demander si les républicains ainsi que leurs alliés libertariens et néolibéraux n’ambitionnent pas le retour à la loi de la jungle.
Dans la matinée d’hier, soit quelques heures à peine après l’adoption, pas moins de onze gouverneurs d’autant d’États ont annoncé qu’ils iraient devant les tribunaux en souhaitant évidemment que ceux-ci concluent que cette réforme est inconstitutionnelle parce qu’empiétant sur les prérogatives des États. Comme dans tout dossier où la part d’irrationalité est prononcée, celui-ci présente un paradoxe énorme.
Voilà, il se trouve que la version édulcorée qui vient de passer à la Chambre des représentants, et que le Sénat devrait entériner prochainement, est au fond une copie presque carbone de l’assurance maladie dont tous les résidants du Massachusetts jouissent. Elle avait été introduite alors que Mitt Romney en était le gouverneur. Et alors? On l’a peut-être oublié, mais Romney était et demeure membre du Parti républicain. Il avait d’ailleurs postulé comme candidat républicain lors de la dernière présidentielle.
Ce paradoxe en dit long sur l’indécence des opposants à Obama. Il faut savoir qu’après que Sarah Palin, qui aurait pu devenir vice-présidente (!), eut affirmé que ce plan allait se traduire par la création de tribunaux de la mort, d’autres élus n’ont pas cessé de réduire cette réforme à une caricature, à coups de semonce logeant à l’enseigne de la démagogie la plus obtuse qui soit. Par exemple, un élu a martelé que ce plan était au fond «une discrimination positive dopée aux stéroïdes destinée à décider qui devient médecin et qui obtient un traitement basé sur la couleur de la peau». Quoi d’autre? Immédiatement après le vote, les représentants républicains n’ont rien trouvé de plus malin à dire qu’une tranche «de liberté venait de mourir».
La geste républicaine des derniers mois fut si obscène que c’est à se demander si l’entendement n’a pas été rayé de leur logiciel politique.
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