Europe and the United States in Search of a New Partnership

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S’ils avaient, à l’époque, pu nourrir un doute, tous les spécialistes des relations internationales l’ont balayé : l’échec du sommet de Copenhague sur le climat, en décembre 2009, restera bel et bien comme un moment fort de l’histoire politique de l’Union européenne. Mise à l’écart de la négociation finale, celle-ci est entrée, ensuite, dans une phase de crise : elle a vu se matérialiser le spectre de sa marginalisation.

Après l’épisode danois, les Européens ont commencé à s’interroger sur Barack Obama, les difficultés de la “relation transatlantique” ont été étalées au grand jour, et l’exercice d’illusionnisme de l’Union, qui affirme publiquement son intégration mais s’astreint chaque jour au respect des prérogatives nationales, a montré ses limites. Copenhague a, en fait, illustré le fait que, lorsqu’ils sont désunis, les Vingt-Sept ne pèsent que d’un poids de plus en plus relatif, et que, lorsqu’ils sont unis, comme ce fut globalement le cas lors de ces discussions climatiques, cela ne suffit plus à assurer leur influence…

Pour ce qui est des divergences euro-américaines, plus question de blâmer l’administration républicaine : c’est bien un démocrate – populaire, unanimement applaudi et apparemment désireux d’investir du temps dans sa relation avec les Vingt-Sept -, qui s’interroge sur les résultats d’une politique décrite, à Washington, comme “peu productive”.

C’est que, désormais, la liste est longue des sujets qui fâchent et ne peuvent plus être mis sur le compte des oppositions naturelles avec les “néocons” de l’ère Bush. On a polémiqué récemment sur le renforcement de la présence militaire en Afghanistan, sur les échanges de données bancaires au nom de la lutte antiterroriste (le dossier Swift, cassé par le Parlement européen), sur le renforcement de la coopération entre l’OTAN et l’Union européenne rendu impossible par un différend entre la Turquie et Chypre, mais aussi, plus fondamentalement, par la compétition entre les deux structures et l’absence d’une réflexion stratégique commune.

La volonté européenne d’instaurer un système international de lutte contre le réchauffement se heurte aux réticences américaines à l’égard des contraintes multilatérales. Cela paralyse une possible action commune sur les transferts de technologies propres vers les pays en développement et renforce les puissances émergentes dans leur immobilisme.

Enfin, l’administration américaine ne peut plus masquer son incompréhension quant au processus de décision européen. Le traité de Lisbonne devait instaurer des changements structurels et positionner l’UE comme un véritable “acteur global” et cohérent sur les plans politique, économique et sécuritaire. En raison de ses divisions politiques, elle n’y arrivera pas, a rapidement conclu Washington.

Dans un texte cinglant de la revue Europe’s World (mars), Kurt Volker, ex-ambassadeur auprès de l’OTAN, résume : “Les gouvernements de l’Union s’accrocheront solidement à leurs prérogatives nationales face aux défis les plus importants.” Pour les fonctions-clés de président du Conseil et de haut représentant pour la politique extérieure, note-t-il, “les dirigeants ont choisi des bâtisseurs de consensus de faible envergure, dont le rôle consistera essentiellement à coordonner les Etats membres”.

En résumé, difficile de faire de la relation avec une Europe divisée et nombriliste une priorité, même pour les plus atlantistes des dirigeants américains.

L’avenir ? “Potentiellement dramatique”, estime le groupe de réflexion Notre Europe, qui rassemble Jacques Delors, Joschka Fischer, Romano Prodi et Guy Verhofstadt. Ce think tank vient de publier des propositions pour un nouveau partenariat euro-américain. Il diagnostique un double risque : une Amérique à la recherche de nouveaux partenaires mondiaux, mais fragilisée par la perte de son alliance européenne et par la dynamique asiatique de la mondialisation ; une Europe “pré-Maastricht” obnubilée par ses rivalités nationales et sa prétendue “relation spéciale” avec Washington, peu à peu reléguée au rôle d’acteur marginal de l’histoire et de la mondialisation.

Les Etats-Unis, notent les auteurs, ont peut-être des raisons de douter d’une Europe qui deviendrait une “Suisse du monde”, mais ils doivent admettre que, tout en concentrant la moitié des dépenses mondiales d’armement, ils ne sont pas parvenus à éradiquer le terrorisme, à sortir victorieux d’Afghanistan ou à renverser la dynamique à l’oeuvre au Moyen-Orient. Compte tenu de sa composition, le groupe ne voit de solution que dans une plus grande intégration. L’impuissance des Etats-nations lui semble une évidence, tout comme la nécessité de faire naître un “intérêt national européen”, tandis que les Américains abandonneraient leur illusion de l’hégémonie impériale.

Des deux côtés de l’Atlantique, en tout cas, il est peut-être temps de prendre conscience qu’un nouveau partenariat est indispensable et, qu’en toute hypothèse, il ne devrait pas servir à restaurer le leadership occidental, mais plutôt à faire émerger de nouveaux partenaires globaux capables de négocier d’égal à égal, avec tous les grands acteurs de la scène internationale.

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