Barack’s Way

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Qu’il avait l’air heureux, notre président, l’autre soir à la Maison Blanche ! Drôle, presque détendu. Rien à voir avec le Sarkozy agité et cassant dont on a l’habitude de ce côté-ci de l’Atlantique. Il est vrai qu’on était loin des tracasseries habituelles de la France. Pas de fronde des députés UMP, pas de débat sur le bouclier fiscal, pas de leçons à tirer des régionales, non, rien que des dossiers importants, l’Iran, le Proche-Orient, les relations franco-américaines, du lourd, du solide.

Le président américain, auréolé de son succès sur la réforme du système de santé, jouait le jeu de l’entente cordiale retrouvée. C’est un grand classique des présidents de la Ve République : quand ça va mal au pays, on va à l’étranger essayer de se refaire une santé politique.

Après une brève conférence de presse, ce fut “the” dîner dans les appartements “privés” du couple Obama. Black-out total, pas de photos. Même le menu est resté secret. Un seul détail cependant, révélé par l’Elysée : les Sarkozy devaient offrir aux filles du président des Etats-Unis des albums d’Astérix. Un choix évidemment sympathique mais contestable. Espérons que le chef de l’Etat n’aura choisi ni Le Combat des chefs, ni La Zizanie, ni Le Cadeau de César. D’une manière générale, on peut se demander si les aventures de “ces irréductibles Gaulois qui résistent encore et toujours à l’envahisseur” seront du goût de Malia et Sasha (11 et 8 ans). N’y avait-il pas d’autres ouvrages à leur proposer qui évoquent le génie français ?

Du même Goscinny, homonymie mise à part, Le Petit Nicolas aurait été peut-être plus judicieux… Si d’aventure, dans les années qui viennent, les Sarkozy devaient retourner à la Maison Blanche, ils pourraient penser à A la recherche du temps perdu. En introduction à la belle édition de Du côté de chez Swann que publie GF-Flammarion (2009, 692 p., 7,30 euros), l’écrivain américain Daniel Mendelsohn explique pourquoi il aime tant Proust. “J’avais 20 ans et j’étais en deuxième année de lettres classiques à l’université de Virginie”, se souvient l’auteur des Disparus (prix Médicis étranger 2007). Avec Jenny, une de ses amies helléniste, il a décidé, à raison de quelques pages chaque jour, de lire à haute voix Du côté de chez Swann. “Le coup de foudre s’est produit dès les premières lignes, ajoute Mendelsohn. Dès que Jenny a commencé à lire, j’ai été frappé par le sentiment d’une reconnaissance, et j’ai eu la certitude que ce livre m’accompagnerait toute ma vie.”

Dans l’intéressant dossier “Proust retrouvé” du dernier numéro du Magazine littéraire, Antoine Compagnon écrit ceci : “Il faut lire Proust – vite, mais aussi lentement, en riant mais aussi parfois en pleurant, cum grano salis, mais aussi avec le plus grand sérieux (…). Lire la Recherche – mais aussi d’autres romans – aide à devenir l’auteur de sa vie.” On devrait tous lire (ou relire) la Recherche.

Franck Nouchi

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