Au Proche-Orient, un pessimiste est un optimiste avec de l’expérience. » En citant ce dicton, Ehud Barak, ministre israélien de la Défense, affirmait cependant que lui, personnellement, il préférait une approche à la Churchill selon laquelle « l’optimiste voit une opportunité dans toute difficulté ». Peut-on apercevoir aujourd’hui une « opportunité » pour relancer le processus de paix dans le conflit israélo-palestinien ? Les difficultés, elles, ne manquent pas. Mais la perspective est bien éloignée.
Le président Obama, fort de son succès sur la réforme de la santé, est décidé à s’impliquer pour qu’Israéliens et Palestiniens reprennent la voie des négociations, bloquées depuis plus d’un an, grâce à des « pourparlers indirects ». Mais, pour le moment, cette méthode a plus conduit à une partie de bras de fer entre Barack Obama et Benyamin Netanyahu qu’à une relance d’un dialogue dans la région.
Le président américain a tout simplement demandé au Premier ministre israélien de « geler » les implantations juives à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Certes, tactiquement, cette demande permet de redorer le blason des Etats-Unis dans une fraction de l’opinion palestinienne et du monde arabe. Et elle paraît souvent très sage. Mais cela ne fait pas nécessairement avancer le processus de paix. Car, techniquement, les Etats-Unis n’ont pas les moyens de faire pression sur Israël. Ce pays est aujourd’hui moins dépendant qu’il ne l’était de matériels militaires étrangers, français avant 1967 ou américains après, grâce au développement de capacités industrielles dans ce secteur. En outre, les pressions financières sont pour les Etats-Unis de plus en plus limitées, car la part de l’aide américaine dans le budget israélien n’a cessé de se réduire. De plus, Israël sait que l’alliance avec les Etats-Unis ne peut être remise en cause sur de simples tensions, même si les intérêts de sécurité des deux pays peuvent parfois diverger. Et cette divergence n’est pas une première dans l’histoire des relations des deux pays sans remonter à la crise de Suez de 1956.
Mais demander un « gel des colonisations » aboutit, en revanche, à créer un préalable à toute reprise des discussions. Les pays arabes, réunis le week-end dernier en Libye, ont affiché leur solidarité sur ce point avec le président palestinien Mahmoud Abbas. Ce qui était attendu. Or la marge de manoeuvre en politique intérieure du Premier ministre israélien est très étroite. Netanyahu se maintient au pouvoir à la tête d’une fragile coalition appuyée sur plusieurs petits partis d’extrême droite et il ne peut que répéter son refus d’un gel des constructions à Jérusalem-Est. Lors d’une visite à Washington en mars dernier, il a d’ailleurs redit dans ses grandes lignes le credo selon lequel « Jérusalem n’est pas une colonie de peuplement, mais la capitale d’Israël ». Et même si le ton est plus dur, il n’est pas éloigné, non plus, de la position sur ce point de la plupart de ses prédécesseurs depuis 1967, qu’ils soient travaillistes, du Likoud (droite) ou de Kadima (centre-droite).
L’annonce de la réalisation de 1.600 logements à Rama Shlomo, un des quartiers de Jérusalem-Est, a pu être prise pour une provocation par les Américains, en pleine visite du vice-président, Joe Biden en Israël. Mais l’ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Michael Oren, s’est empressé d’affirmer que ces quartiers, incorporés à Israël en 1967, sont « le foyer de près de la moitié de la population de la ville » et resteront incorporés même après un éventuel accord de paix. Netanyahu a raison d’ailleurs lorsqu’il affirme qu’il n’y a jamais eu de réelles pressions américaines pour que cessent les constructions à Jérusalem-Est. A l’exception de la bande de Gaza après l’évacuation de 8.000 colons israéliens en 2005, la population dans ce qui est considérée par Israël comme des « implantations », n’a cessé de croître, même si aux yeux des Nations unies elles sont illégales, car Israël est considéré dans les territoires comme une puissance occupante. Les colonies israéliennes comptent actuellement près de 300.000 habitants sur la rive occidentale du Jourdain (Cisjordanie), quelque 190.000 à Jérusalem-Est et plus de 19.000 sur les hauteurs du Golan. Ce qui rend de plus en plus difficile, voire impossible, la création d’un Etat palestinien qui n’aurait qu’une fraction de la Cisjordanie, une partie symbolique à Jérusalem et n’aurait aucune continuité avec la bande de Gaza, toujours contrôlée par le Hamas.
Netanyahu prend néanmoins un risque. D’une part, les Américains, à l’exception de George W. Bush fils, n’ont jamais réellement cessé de demander l’arrêt de la colonisation, comme la communauté internationale. Mais aussi les conditions ont changé depuis la disparition de Yasser Arafat, le leader historique des Palestiniens, considéré par Washington comme un terroriste avec qui il n’était plus possible de négocier à leurs yeux. Américains et Européens ont apporté un soutien plus fort à son successeur à la présidence de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Mais, surtout, la situation dans la bande de Gaza, contrôlée toujours par le Hamas, peut à tout moment redevenir explosive. Au Liban, le Hezbollah tente aussi de mettre à profit les déboires diplomatiques d’Israël face aux Etats-Unis et aux pays européens. La fin du plus vieux conflit du monde contemporain n’est pas pour demain. A moins que les difficultés présentes ne créent une nouvelle opportunité. Pour le moment Netanyahu et Obama sont dans un dangereux bras de fer.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.