Obama, Sarkozy and Hot Dog Diplomacy

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On retiendra surtout de la visite de Nicolas Sarkozy à Washington son déjeuner au Ben’s Chili Bowl, le restaurant populaire de hot dogs de Black Broadway. Sympathique, mais aussi symptomatique. « Bienvenue dans le club des Etats qui ne laissent pas tomber les gens malades ! », a aussi lancé le président français dans son discours à la Columbia University de New York. Moins de trois mois après son cuisant revers électoral dans l’Etat du Massachusetts, Barack Obama a miraculeusement rebondi sur la réforme de la couverture maladie. Grâce à sa ténacité face à la fronde du mouvement populiste des « tea-parties » et à sa fermeté vis-à-vis du Congrès, il a même regagné plusieurs points dans les sondages et pourrait aborder les élections législatives de mi-mandat de novembre dans une bien meilleure position que prévu. Cette persévérance est d’autant plus frappante qu’elle tranche avec les valses-hésitations de Paris sur la taxe carbone ou le bouclier fiscal.

« Lorsque Barack Obama dit quelque chose, il tient parole », a d’ailleurs reconnu Nicolas Sarkozy, lors de leur conférence de presse conjointe à la Maison-Blanche. Encore un signe de constance. Le principal reproche adressé au 44 e président des Etats-Unis n’a jamais été celui de la versatilité, mais plutôt d’une certaine tendance à pousser un peu trop loin la réflexion. Il n’y a pas si longtemps qu’on lui reprochait encore ses « trop longues hésitations » sur l’Afghanistan ou son « illusoire » politique de la main tendue en Iran. En politique, Barack Obama donne plutôt l’image d’un marathonien que d’un sprinteur aux accélérations soudaines. Certes, il lui arrive parfois de réviser ses objectifs à la baisse sur les modalités, qu’il s’agisse de la création d’une « option publique » d’assurance médicale ou de l’encadrement des bonus de Wall Street… Mais il donne globalement l’impression de tenir fermement son cap.

En louant les qualités de constance du président américain, Nicolas Sarkozy a voulu se rassurer et nous tranquilliser. Il n’y a pas l’ombre d’un nuage menaçant entre Paris et Washington. « Entre nous, il peut y avoir des désaccords, mais jamais pour de mauvaises raisons », a assuré le chef de l’Etat en soulignant le climat de confiance commune et la volonté de travailler main dans la main pour préparer la présidence française du G20 à la fin de l’année. Il a même promis d’ « aller encore plus loin dans la réforme de la régulation du capitalisme mondial » et d’engager la réflexion sur un nouvel ordre monétaire international. Pourtant, sur ce terrain crucial de la réforme du système financier qu’il avait placé en tête de ses priorités, la rencontre Sarkozy-Obama n’a pas produit d’avancée majeure. Après avoir tancé le « capitalisme de spéculation » dans son discours de New York, le président français s’est bien gardé de toute allusion aux divergences transatlantiques sur la réglementation des « hedge funds » ou l’harmonisation des règles comptables. Hormis une lettre de recadrage publiée par le comité de pilotage du G20, Paris s’en remet sagement au calendrier de Pittsburgh, qui ne brille pas forcément par son ambition. Or, s’il est un terrain où Barack Obama n’a pas toujours fait preuve d’une constance exemplaire et où Paris pourrait jouer le rôle d’aiguillon, c’est bien celui de la réforme de Wall Street. Comme l’a récemment souligné le prix Nobel d’économie Paul Krugman, la dernière mouture du projet de réforme financière américaine aujourd’hui sur la table, telle qu’elle a été élaborée par le sénateur démocrate du Connecticut, Christopher Dodd, est « substantiellement plus faible » que le projet initial de la Chambre des représentants. Il n’est pas dit non plus que les propositions Volcker, les plus incisives, sur l’encadrement et la séparation des activités bancaires, – pourtant officiellement endossées par Barack Obama il y a quelques mois -, soient reprises dans le dispositif final du Congrès, leur mise en oeuvre éventuelle ayant été finalement renvoyée au bon vouloir des régulateurs américains.

Sur ce terrain comme sur d’autres, Nicolas Sarkozy découvre les limites de la « diplomatie du hot dog ». Il ne suffit pas d’aller déjeuner avec Carla Bruni dans le bistrot préféré de Bill Cosby et de Barack Obama, sur U Street, pour consolider durablement la relation transatlantique… ou faire les gros titres de la presse américaine. Malgré les déclarations d’amitié, la première visite officielle du chef de l’Etat à la Maison-Blanche depuis l’élection de Barack Obama ne s’est pas soldée par des résultats très concrets. Ni calendrier précis sur les sanctions contre l’Iran ni engagement formel sur les avions ravitailleurs du Pentagone. Il manque surtout un signal fort sur l’accélération de la réforme financière. Pour consolider la relation de confiance entre Paris et Washington, et jeter les bases d’un nouvel ordre monétaire international, il faudra encore faire preuve de davantage de constance et de détermination des deux côtés de l’Atlantique.

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