U.S. Supreme Court Takes on Class Action Suits by Non-Americans

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La Cour suprême des Etats-Unis devait commencer, lundi 29 mars, les auditions sur l’affaire Morrison – un dossier qui fera jurisprudence – sur la possibilité, pour les non-Américains, d’attaquer, aux Etats-Unis, des entreprises non américaines soupçonnées d’infractions boursières, notamment au moyen d’actions en nom collectif (class action). Et ce, même quand la fraude n’a pas été commise outre-Atlantique.

Le procès Morrison contre la National Australia Bank (NAB) est exemplaire : trois plaignants australiens et un américain (Morrison) – qui n’a subi aucun préjudice – vont expliquer aux juges de la Cour suprême qu’ils ont eu raison d’assigner la NAB à New York en raison d’informations trompeuses fournies par la filiale américaine de la NAB sur ses profits futurs. Or la NAB est cotée en Australie, en Nouvelle-Zélande, à Tokyo et à Londres, mais pas aux Etats-Unis.

Le tribunal fédéral du district sud de New York, puis la cour d’appel fédérale du deuxième circuit s’étaient déclarés incompétents au motif que les activités incriminées s’étaient déroulées en dehors des Etats-Unis et qu’elles n’avaient pas causé de dommage particulier dans le pays. Sachant que d’autres tribunaux fédéraux se sont reconnus compétents sur des dossiers similaires à l’affaire Morrison, la Cour suprême s’en est saisie pour dire le droit sur le sujet. Que Morrison soit débouté ou non, les attendus délimiteront à l’avenir le cadre de compétence des tribunaux et des cours d’appel fédéraux américains.

Les enjeux internationaux de l’affaire sont tels que pas moins de quinze mémoires d’amicus curiae (amis de la Cour) ont été déposés devant la Cour suprême. Le système des “amis de la Cour” permet à des personnes morales, Etats ou entreprises, de déposer des argumentaires pour éclairer les juges américains ou tenter de les influencer. L’Australie, le Royaume-Uni, la France mais aussi le Medef, Lagardère, Thales, Technip et Vivendi – récemment condamné en première instance à New York pour avoir masqué, à Paris, une crise de liquidité majeure au début des années 2000 – craignent que la Cour suprême dote les juridictions fédérales d’une large compétence.

Les Etats européens et asiatiques, de leur côté, redoutent de voir les tribunaux américains devenir le gendarme juridique du monde entier. La France, par l’intermédiaire du cabinet Shearman & Sterling, a fait valoir qu’une conception étendue des cours fédérales entrerait en contradiction avec la “courtoisie internationale” qui régit les relations juridiques entre Etats.

Au-delà des susceptibilités froissées, la possibilité pour un Français ou un Chinois d’agir aux Etats-Unis place soudain les systèmes juridiques en compétition et interfère avec la possibilité que chaque Etat souverain règle ses propres affaires commerciales.

Selon Emmanuel Gaillard, professeur de droit et associé de Shearman & Sterling en France, “les class actions dans lesquelles les individus sont représentés, sans même l’avoir voulu, sont incompatibles avec la conception française de l’ordre public international ainsi qu’il résulte de certaines décisions du Conseil constitutionnel, en particulier celle rendue le 25 juillet 1989”. Comme la France, le Royaume-Uni et l’Australie défendent leur souveraineté et souhaitent que la compétence américaine à dire le droit boursier au plan international soit fondée sur un critère clair et respectueux du droit des pays tiers. De nombreux Etats interdisent les actions en nom collectif pour mieux protéger leurs entreprises.

De son côté, le gouvernement américain a déposé un mémoire en faveur d’une compétence élargie des cours fédérales américaines. La décision de la Cour suprême devrait intervenir avant fin juin 2010.

Quel que soit le sort réservé au cas Morrison, ce jugement sera décrypté à la loupe partout dans le monde, car il définira la physionomie du contentieux boursier international pour les vingt prochaines années.

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