Si officiellement, la France applaudit aux initiatives de désarmement nucléaire de Barack Obama, elle s’estime par ailleurs «hors concours» en matière de désarmement stratégique.
Officiellement, Paris applaudit aux initiatives de désarmement nucléaire de Barack Obama. À l’Élysée, on considère que le président américain a «raison de vouloir avancer sur tous les fronts». «Dans cet immense chantier, nous sommes à côté de lui», souligne-t-on.
En apparence, ce «chantier» lancé à Prague il y a un an par le nouveau président américain, qui rêve d’un monde débarrassé des armes nucléaires, avance à pas de géant. Russes et Américains ont enfin trouvé un accord pour renouveler le traité de désarmement stratégique Start, enclenchant ainsi une normalisation de leurs relations; la nouvelle posture nucléaire américaine (NPR) a réduit le rôle de la dissuasion; les experts en communication de la Maison-Blanche ont réussi à faire du sommet de Washington une réussite avant même qu’il ne commence… Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes.
La réalité est en fait un peu différente. Les visions, d’abord. Celle d’Obama, même si elle s’inscrit dans un projet à très long terme, suscite parfois la controverse, des deux côtés de l’Atlantique. Dans un contexte général de prolifération, quotidiennement alimenté par l’Iran et la Corée du Nord, beaucoup estiment qu’il serait dangereux que les grandes puissances nucléaires baissent trop vite la garde. La France, qui a déjà largement diminué la taille de sa dissuasion pour la maintenir au strict niveau de suffisance, et qui considère qu’elle est la garantie ultime de sa sécurité et de son indépendance, s’estime par ailleurs «hors concours» en matière de désarmement stratégique.
La prolifération se porte bien
Les avancées concrètes, ensuite. Le nouveau Start «n’est pas un accord de réduction des armes nucléaires et ne relève du désarmement qu’en trompe l’œil. Il s’agit en fait tout simplement d’un accord de maîtrise des armements, au sens où on le pratiquait au temps de la guerre froide», prévient Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Entre Russes et Américains, malgré les apparences, tout n’est pas réglé. Certaines annexes feraient encore l’objet de négociations. Le différend sur les projets de défense antimissile américaine en Europe n’a pas été réglé. Le jour de la signature, le gouvernement russe a insisté sur le fait qu’il pourrait se retirer du traité s’il le voulait.
Enfin, la ratification du nouveau texte par le Sénat américain n’est pas acquise. Or un échec au Congrès aurait des conséquences immédiates sur la ratification du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (Tice) qu’Obama voudrait aussi imposer.
Produit d’un compromis aux États-Unis, la nouvelle posture nucléaire américaine est censée convaincre les pays non dotés de renforcer le régime de non-prolifération, voire, à terme, d’aider certaines capitales à renoncer à leurs programmes. «Mais on peut en douter», commentent les spécialistes. De Pyongyang à Téhéran en passant par Islamabad, la prolifération ne s’est jamais aussi bien portée. Quant à la conférence de révision du traité de non-prolifération (TNP) qui doit s’ouvrir en mai, elle ne se présente pas sous les meilleurs auspices, de nombreux pays estimant que les grandes puissances nucléaires n’ont pas tenu leurs engagements en matière de désarmement.
Les initiatives américaines tiendront-elles leurs promesses ? Rien n’est moins sûr. «Certains pensent que la séquence nucléaire américaine est close pour 2010. Considérant le système américain, un président n’a rien à gagner avec le nucléaire en termes politiques mais tout à perdre vis-à-vis du Congrès», commente Bruno Tertrais. À Paris, des spécialistes vont encore plus loin et annoncent carrément la «mort» de Global Zero, initiative internationale lancée en 2008, visant à abolir les armes nucléaires.
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