Obama: A Very Tempered Multilateralism

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Depuis l’élection de Barack Obama, les interprétations de sa diplomatie n’ont pas manqué. Jusqu’à présent, deux d’entre elles ont prévalu. La première tenait pour acquis le passage à une stratégie multilatéraliste imposée à la fois par l’échec de M. Bush et l’affaiblissement relatif des Etats-Unis après la crise de 2008. La seconde, défendue notamment par l’Elysée, laissait entrevoir le risque d’une “carterisation” de la politique américaine, une politique de bonnes intentions mais aux résultats bien modestes. Aujourd’hui, avec un certain recul, ces deux interprétations révèlent leurs limites. La diplomatie américaine n’est multilatéraliste que par défaut, et la force tranquille de M. Obama, que l’on a trop vite pris pour de l’indécision, commence à porter ses premiers fruits.

Pour M. Obama comme pour M. Bush l’objectif est toujours le même : affermir la primauté des Etats-Unis dans le monde. Simplement, à la différence de son prédécesseur qui prétendait pouvoir atteindre cet objectif en écrasant les autres, M. Obama cherche très clairement à rendre le leadership américain plus légitime voire plus attractif. Mais cela ne veut nullement dire que les Etats-Unis sont disposés à partager le pouvoir avec les autres ou d’accepter sans conditions les règles du multilatéralisme.

En réalité, M. Obama joue sur trois registres complémentaires mais d’importance décroissante : l’unilatéralisme dans les situations vitales pour les Etats-Unis, le bilatéralisme sélectif avec tous les pays qui comptent pour les Etats-Unis et enfin un multilatéralisme résiduel, quand les deux premières options se révèlent insuffisantes ou inadaptées. Le faible intérêt des Etats-Unis pour des solutions multilatérales est manifeste dans les domaines stratégiques pour la puissance américaine : la finance et le commerce.

Certes, les Etats-Unis se félicitent de la création du G20 et manifestent rituellement leur volonté de bâtir une nouvelle régulation mondiale. Mais dans les faits, les choses n’avancent pas tout simplement parce que l’establishment américain n’est pas encore arrivé à un consensus sur la meilleure architecture possible. Les Etats-Unis ne réactiveront véritablement le G20 que lorsqu’ils auront défini la solution optimale pour eux. En attendant, et aux côtés des Britanniques, ils s’inquiètent de la volonté réglementaire de la Commission européenne en matière de hedge funds.

Sur le plan commercial, le freinage est encore plus sensible. Les Etats-Unis ont décidé de faire leur deuil d’un accord multilatéral à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et sont plus que jamais désireux de promouvoir leurs intérêts commerciaux à travers un mercantilisme bilatéral. Au demeurant et face à la Chine par exemple, la réévaluation de la monnaie chinoise leur semble bien plus importante que l’ouverture additionnelle des marchés des pays émergents.

Le second axe de la diplomatie américaine est d’inspiration bilatérale. Il est concentré sur trois Etats-clés : la Russie, la Chine et le Pakistan. En recherchant avec succès un accord avec la Russie sur la limitation des armes nucléaires, l’administration Obama poursuit trois objectifs : rationaliser un outil nucléaire surdimensionné, rendre plus crédibles aux yeux de l’opinion internationale la lutte contre la prolifération et le désarmement, ce qui ne manque pas d’ailleurs d’inquiéter un certain nombre de pays dont le nôtre, obtenir un soutien politique de Moscou sur le dossier iranien. En échange, Washington a renoncé aux provocations inutiles que constituaient les projets d’extension de l’OTAN à l’Ukraine ou la construction d’un bouclier antimissile.

Avec la Chine, les enjeux sont bien plus colossaux encore et tout est désormais conçu à Washington en fonction de la gestion inexorable du duopole sino-américain. Comparé au duopole soviéto-américain, le duopole sino-américain présente des caractéristiques inédites. Certes, Pékin n’a pas pour ambition de dominer idéologiquement et militairement le monde à la différence des Soviétiques. Il n’y a donc pas à proprement parler de menace chinoise, surtout lorsqu’on connaît l’ampleur de l’interdépendance économique entre les Etats-Unis et la Chine. Mais d’un autre côté, le défi chinois est bien plus redoutable car à la différence de la puissance soviétique qui n’était que stratégique, la puissance chinoise avance sur ses deux jambes.

D’une certaine manière, la Chine a intégré le modèle occidental de la puissance : s’assurer d’une domination économique forte avant de passer aux autres registres de la puissance. La compétition sino-américaine est donc réelle. Mais les chances qu’elle a de dégénérer sont extrêmement faibles tant les deux pays ont besoin l’un de l’autre.

Le troisième acteur sur lequel Washington mise fortement est le Pakistan. En rupture avec l’administration Bush, qui avait clairement misé sur l’Inde et s’était résignée à traiter le Pakistan comme un Etat voyou en voie d’islamisation, l’administration Obama fait le pari d’une stabilisation de ce pays-clé. Rien n’est encore joué. Mais il semblerait bien que, de part et d’autre, la nécessité de s’entendre a prévalu sur l’accumulation imposante de malentendus et d’acrimonie depuis vingt ans. Washington a compris qu’il serait impossible de stabiliser le Pakistan sans lui concéder une place dans le règlement afghan ou sans prendre au sérieux certains de ses griefs face à l’Inde (Cachemire).

De fait, et sans le vouloir, cet activisme diplomatique laisse peu de place au multilatéralisme et à ceux qui s’en réclament comme les Européens. A cela il n’y a rien d’étonnant. Les Etats-Unis ne sont disposés à investir dans le multilatéralisme que si celui-ci leur permet de faire avancer leurs priorités. Or, sur la plupart des grands dossiers, le multilatéralisme est en net recul. Le dossier iranien, extrêmement stratégique pour les Etats-Unis, n’est en réalité qu’un dossier faussement multilatéral tant les acteurs réellement influents sont en nombre limité. De fait, ils ont imposé leur propre rythme et négligé l’alarmisme français moins par naïveté que par calcul.

Sur le climat, l’échec foudroyant de Copenhague a d’ailleurs beaucoup moins traumatisé les Etats-Unis que les Européens, et pour cause. A Copenhague, M. Obama a d’abord et avant tout recherché un accord avec la Chine sans se soucier le moins du monde de l’absence politique des Européens. L’Amérique d’Obama offre au monde un visage infiniment plus sympathique que celui de son prédécesseur. Mais il est temps pour l’Europe de se dessiller les yeux en se rendant à l’évidence : elle ne peut rien attendre de l’Amérique tant qu’elle aura renoncé à attendre quoi que ce soit d’elle-même.

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