Une majorité de députés de l’Arizona exigent que Barack Obama leur présente son certificat de naissance. Ils le croient né au Kenya, donc illégitime à la présidence. C’est trop fort, ils ne croient pas qu’Obama puisse être Américain.
Les représentants de la chambre basse de l’Etat de l’Arizona viennent de voter par 31 contre 29 une loi obligeant Barack Obama à prouver qu’il est bien Américain s’il veut la participation des Arizoniens au vote pour sa réélection en 2012. Pour ce faire, il devra leur présenter son certificat de naissance. La républicaine Judy Burges, auteur de cette loi, affirme qu’elle n’est pas sûre qu’Obama soit éligible par l’électorat de l’Etat. Elle veut donc faire la lumière sur la question. Une partie de l’opinion de cet Etat est persuadée que l’actuel président est né au Kenya et qu’il n’est donc pas légitime selon la Constitution.
Hawaï a beau avoir plusieurs fois confirmé la naissance d’Obama sous ses cieux, en août 1961, en montrant les documents officiels accompagnés de l’annonce de l’événement dans deux journaux d’Honolulu, la légende kényane persiste. Plusieurs autres Etats, dont l’Oklahoma et le Missouri, légifèrent ou tentent de légiférer sur la question. Une dizaine de représentants républicains au Capitole essaient même d’installer durablement le doute au niveau fédéral, sans succès jusqu’à maintenant.
La manœuvre est grossière mais très efficace auprès de cette partie de la population américaine qui ne parvient toujours pas à croire que les Etats-Unis ont normalement et sans tricherie élu un président noir: «ça se peut pas». Si l’énormité du changement avait encore pu échapper, la résistance à sa réalité un an et demi plus tard par un pourcentage d’Américains serait là pour en attester. Quelque chose de l’ordre du cataclysme a bouleversé leurs croyances. Il leur est impossible d’accepter: «J’y crois pas.» Cet Obama ne saurait être Américain. Son certificat de naissance est un faux.
Le déni est l’échappatoire le plus commode à une réalité trop massive, trop lourde de conséquences. On dit non, ça se peut pas. On s’arrange avec la vérité, on en négocie des fractions selon sa propre capacité d’absorption. L’évêque anglais Richard Williamson a de la peine à admettre que les nazis ont exterminé six millions de juifs. Ça se peut pas. La moitié moins lui irait-elle?
Une universitaire indonésienne se déclare entièrement fermée à l’idée que des islamistes guidés par Ben Laden seraient derrière la destruction des tours de New York en 2001. Ça se peut pas, dit-elle.
Les auteurs vaudois d’une revue conservatrice se protègent de l’horreur de l’exécution de milliers de prisonniers musulmans à Srebrenica par des Serbes de Bosnie: ils parlent d’un «pseudo-massacre». Un crime contre l’humanité? Ça se peut pas.
Combien de temps ont mis les communistes à négocier avec eux-mêmes la vérité du goulag stalinien? Staline? Ça se peut pas.
Si je gagnais au gros lot, est-ce que j’y croirais? Oui, sans doute. La chance a une façon bien à elle de s’imposer à la réalité sans contestation. Elle est innocente, pure, inatteignable par le soupçon ou le doute. Elle n’a pas à présenter de certificat de naissance. Elle n’a pas d’opposants. Ce qui ne signifie pas qu’elle n’a pas de conséquences. Mais gagner au gros lot, en ce qui me concerne, ça se peut pas vu que je n’achète pas de billet.
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