Something Frankenstein

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Quelque chose de Frankenstein

es Américains ont décidément le chic pour transformer l’actualité en film à grand spectacle. Des dollars par milliards, un casting ébouriffant : la bataille qui oppose depuis quelques jours la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de la Bourse américaine, aux dirigeants de Goldman Sachs, la banque la plus puissante du monde, est d’ores et déjà n° 1 au box-office des plus belles affaires politico-financières.

L’audition, ce mardi, du PDG de la banque, Llyod Blankfein, et de cinq autres dirigeants, parmi lesquels le Français Fabrice Tourre, par la sous-commission sénatoriale chargée d’enquêter sur la crise financière promet beaucoup. Dès le week-end dernier, le Sénat avait fait monter la tension en rendant public des courriels embarrassant pour les dirigeants de Goldman Sachs. Pour faire simple, disons que les dirigeants de la banque sont accusés de s’être considérablement enrichis au détriment de leurs clients en les incitant à investir sur un marché de l’immobilier qu’ils savaient au bord de l’effondrement. Ils pariaient sur la chute de produits dérivés qu’ils vendaient pourtant à leurs clients.

Ce qui fascine à la lecture de ces courriels, c’est le simple fait qu’ils existent ; que personne n’ait prévenu ces banquiers réputés les plus forts, les plus intelligents, les mieux informés au monde, que ce qu’ils écrivaient risquait un jour de se retrouver entre les mains de la justice américaine. “Bien sûr, nous n’avons pas évité le foutoir de l’immobilier. On a perdu de l’argent, et puis on s’est refaits, et même au-delà, grâce à des “shorts””, notait ainsi M. Blankfein en novembre 2007. Et que dire des courriels de Fabrice Tourre, le fameux “Fabulous Fab”, qui, depuis quelques jours, fait la “une” des médias ? Le 29 janvier 2007, il écrivait ceci : “Chaque jour, je vis le même calvaire – un peu comme un mauvais rêve qui se répète… En gros, je trade un produit qui valait 100 dollars il y a un mois et qui n’en vaut plus que 93 aujourd’hui et qui perd en moyenne 0,25 dollar par jour… Présenté comme ça, ça n’a pas l’air énorme, mais quand tu penses qu’on achète et on vend ce truc sur des montants nominaux de plusieurs milliards, ben, ça commence à faire beaucoup de sous. Quand je pense que c’est un peu moi qui ai participé à la création de ce produit (qui, soit dit en passant, est un pur produit de masturbation intellectuelle, le genre de truc que tu inventes en te disant : et si on créait un machin qui ne sert absolument à rien, qui est complètement conceptuel et hautement théorique et que personne ne sait pricer ?, ça fait mal au coeur de voir que ça implose en vol… C’est un peu comme Frankenstein qui se retourne contre son inventeur.”

Instructif, non ? Aux dernières nouvelles, dans la plupart des grandes banques internationales, consigne a été donnée de se montrer très vigilant s’agissant du contenu des courriels…

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