Us, Anti-Intellectual? More So than America, in Any Case!

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Obama lit beaucoup : il a lui-même écrit deux livres. En plein débat sur la santé, il y a un mois, il a dit qu’il lisait une biographie sur le président Teddy Roosevelt. Pendant la campagne électorale, on l’avait aperçu, un best-seller de politique internationale à la main, The Post-American World. Et la liste s’allonge avec une série de romans et de biographies.

Ici, sait-on ce que lisent Jean Charest et Stephen Harper ? Pas vraiment. Ça ne nous intéresse pas, on dirait. J’y reviens plus bas.

Rien de très surprenant, donc, à ce qu’Obama lise. Mais vous serez sûrement surpris d’apprendre que d’anciens présidents beaucoup moins « intellos » lisaient aussi beaucoup. Par exemple, George W. Bush, qu’on se plaît à décrire comme un inculte crasse, lisait Supreme Command, un ouvrage costaud sur le leadership dans les affaires militaires, ou encore I am Charlotte Simmons, du célèbre écrivain au complet blanc crème Tom Wolfe, et même L’étranger, d’Albert Camus !

Et ce n’est pas tout : une règle non écrite veut qu’à la veille des vacances d’été, la Maison-Blanche dévoile à la presse la liste des lectures estivales du président.

Dans cet article drôlement intéressant (http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/04/15/AR2010041503706.html?sid=ST2010042304410), un ancien conseiller de George W. Bush, Tevi Troy, relate l’importance qu’ont eue les livres sur les présidents américains. Les exemples sont légion. Comme il le démontre bien, cet exercice est très instructif, car plusieurs décisions graves ont été prises à la suite de la lecture de tel ou tel livre. Et bien des politiques chères aux présidents trouvent, quelque part, leur racine dans la fréquentation de certains ouvrages et de certains auteurs. Bref, le livre est un conseiller politique très influent. Et les Américains s’y intéressent.

Pas mal, non, pour une nation qu’on définit volontiers comme inculte et anti-intellectuelle ?

Nous, anti-intellectuels ?!

Chose certaine, nous sommes bien mal placés pour faire la leçon, car ici, on s’intéresse bien peu à la dimension intellectuelle de nos leaders politiques. Joseph Facal rappelle parfois, à raison, que le Québec est l’un des rares endroits en Occident où la « chose intellectuelle », dans la sphère publique, éveille méfiance et soupçons. En d’autres mots, il plane encore au Québec un certain anti-intellectualisme. Il faut croire que sur ce plan, nous ne sommes pas encore tout à fait sortis de la grande noirceur et que l’expression condescendante de Duplessis à l’égard des « pelleteux de nuages » résonne encore.

Nos chefs lisent, pourtant. Et j’ai fait ma petite contribution, en 2008, en questionnant nos chefs politiques à l’Assemblée nationale sur leurs lectures. On y apprenait entre autres que Jean Charest avait été particulièrement marqué par April 1865 : The Month That Saved America, sur la Guerre de Sécession; que Le Petit Prince était le livre fétiche de Pauline Marois; que Mario Dumont avait été influencé surtout par l’œuvre de l’économiste Milton Friedman. Et qu’il vouait une gigantesque admiration à Winston Churchill.

Vous ne trouvez pas qu’en plus de nous instruire sur la « vision du monde » de nos dirigeants, de nous donner des repères sur leur gouverne, connaître leurs lectures les rend plus profonds, plus crédibles et plus inspirants ?

Sans compter qu’être un « politicien-lecteur » donne un puissant exemple. Lorsque les présidents américains se montrent en public, un livre à la main, et qu’ils font la promotion — parfois délibérément, c’était le cas de Bill Clinton — de certains livres, leur message est celui-ci : LIRE EST IMPORTANT !

Alors voilà. À l’instar de Tevi Troy, dans son article, je vous invite, par la voie de vos commentaires, à faire vos suggestions de lecture à nos politiciens. De Québec, mais aussi d’Ottawa. Et allez-y pour nos maires, si vous le désirez.

J’ouvre le bal.

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