Obama, or the Diplomacy of Audacity

<--

Quarante-sept chefs d’État et de gouvernement ont participé au Sommet sur la sécurité nucléaire, à Washington. Le président américain a saisi l’occasion pour aborder en coulisses les questions essentielles : Iran, Moyen-Orient, Afghanistan…

Quels qu’en soient les résultats immédiats, le Sommet sur la sécurité nucléaire qui s’est tenu à Washington les 12 et 13 avril a sans conteste renforcé le prestige des États-Unis – et celui du président Obama. On se souviendra de cette réunion de quarante-sept chefs d’État et de gouvernement comme du plus grand rassemblement de dirigeants mondiaux depuis que Franklin D. Roosevelt a convoqué ses pairs à San Francisco, en 1945, pour créer l’Organisation des Nations unies.

Le message tacite de ce sommet était le suivant : Barack Obama est le leader mondial, les États-Unis restent l’unique superpuissance. Pas un mot sur le déclin de l’Amérique ou sur l’émergence d’un monde multipolaire. Oubliées, les critiques qui pleuvaient sur Obama avant l’adoption de la réforme du système de santé. Il n’est plus faible ou inefficace : il est l’homme le plus puissant de la planète, et la solution à tous ses problèmes.

Aux yeux de tous, la conférence a marqué un progrès significatif vers un monde débarrassé de l’arme nucléaire, un objectif qu’Obama avait défendu dans un discours fondateur prononcé à Prague, il y a un an. Avant l’ouverture du sommet, Washington a annoncé un changement majeur de stratégie. Rendue publique le 6 avril 2010, cette nouvelle doctrine stipule que « les États-Unis ne recourront pas à l’arme nucléaire et ne menaceront pas de l’utiliser contre les États qui n’en sont pas dotés et qui, signataires du traité de Non-Prolifération [TNP], se montrent respectueux de ses règles. » Le « rôle fondamental » de l’arsenal nucléaire américain est de dissuader, non d’agresser, est-il précisé.

Même une attaque chimique ou bactériologique contre les États-Unis ou leurs alliés ne déclenchera pas de riposte nucléaire, mais « une réponse militaire conventionnelle dévastatrice », affirme Robert Gates, le secrétaire à la Défense. Les États-Unis se sont également engagés à ne pas développer d’ogives nucléaires de nouvelle génération.

En se fixant ces limites, les États-Unis espèrent montrer l’exemple et persuader les puissances qui n’ont pas la bombe atomique de renoncer à l’acquérir. Le seul bémol, c’est qu’ils ne s’interdisent pas de faire des entorses à la règle. « Notre message en direction de l’Iran et de la Corée du Nord est clair, explique Gates. Si vous ne jouez pas le jeu, si vous contribuez à la prolifération, alors nous nous autoriserons à employer tous les types de réponses à notre disposition. » Indigné, l’Iran a répliqué en accusant les États-Unis de se livrer à un « chantage nucléaire » et a annoncé qu’il déposerait une plainte officielle auprès des Nations unies.

L’objectif affiché de la conférence était de sécuriser, d’ici à quatre ans, plus de 1 500 tonnes d’uranium enrichi et de plutonium éparpillées sur quarante sites dans le monde – de quoi fabriquer 100 000 bombes et détruire l’humanité plusieurs fois. Le principal défi, a répété Obama, consiste à mettre ces dangereux composants hors de portée des terroristes, et d’Al-Qaïda en particulier.

Mais en réalité, c’est deux par deux, et à huis clos, que l’on a abordé les questions essentielles. Obama a sollicité le soutien du président chinois Hu Jintao pour imposer des sanctions à l’Iran. Il a discuté, séparément, avec Manmohan Singh, le Premier ministre indien, et avec Asif Ali Zardari, le président pakistanais, car le règlement du conflit afghan dépend de la paix entre ces deux pays.

Netanyahou ? Absent !

Obama a également rencontré Nursultan­ Nazarbaïev, le président du Kazakhstan, qui lui a confirmé qu’il autorisait l’aviation américaine à survoler le territoire kazakh pour rejoindre la base de Bagram, en Afghanistan. Il s’est aussi entretenu avec Viktor Ianoukovitch, le président ukrainien, qui a promis d’éliminer, d’ici à 2012, les stocks d’uranium enrichi hérités de la guerre froide. Et il a reçu de nombreux autres dirigeants, y compris le roi Abdallah de Jordanie, ce qui montre sa détermination à résoudre le conflit israélo-palestinien.

Benyamin Netanyahou a, lui, choisi de ne pas participer à ce sommet. L’antipathie que le Premier ministre israélien éprouve pour Obama, et que celui-ci lui rend bien, a pu jouer dans cette décision. Peut-être a-t-il craint de subir le même affront que lors de sa visite à Washington, quelques semaines auparavant, lorsque Obama n’avait pas souri une seule fois pour les photographes et qu’aucune conférence de presse commune n’avait été prévue.

Surtout, Netanyahou a voulu éviter que la communauté internationale demande des comptes à son pays. Israël refuse de signer le TNP et de se soumettre aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie ­atomique (AIEA). Il est déterminé à rester la seule puissance nucléaire de la région, et a déjà frappé, dans le passé – les installations irakiennes, notamment –, pour préserver ce monopole. Il menace aussi régulièrement l’Iran et rejette totalement l’idée d’un Moyen-Orient dénucléarisé.

Patience et détermination

Les Israéliens savent parfaitement que, pour Obama, le dossier du nucléaire iranien et la paix au Moyen-Orient sont étroitement liés, et qu’en échange des pressions qu’il exerce sur l’Iran le président américain attend un geste de bonne volonté de leur part. S’il parvenait à persuader Téhéran d’arrêter son programme nucléaire – qu’Israël ne manque jamais de qualifier, sur un ton dramatique, de « menace à [son] existence » –, alors l’État hébreu devrait, en retour, mettre un terme à la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

Selon des rumeurs persistantes à Washington, si les négociations israélo-­palestiniennes ne reprenaient pas, Obama pourrait imposer son propre plan de paix – un scénario qu’Israël cherche à tout prix à éviter.

La vision d’Obama d’un monde débarrassé du nucléaire est certes louable, mais pas exempte de faiblesses. Les menaces d’intervention militaire à l’encontre de l’Iran, proférées par Obama et Gates, et brandies ­chaque jour par les dirigeants israéliens, ont peu de chances d’impressionner un Iran de plus en plus sûr de lui. Au contraire, au lieu de l’encourager à renoncer à ses ambitions, elles le poussent à obtenir des armes le plus vite possible, pour se prémunir contre une attaque. Au lieu d’être menacé et ostracisé, l’Iran devrait être intégré à un dispositif de sécurité régionale, comme le préconise Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe.

Le sommet de Washington n’aura pas réglé tous les soucis du président américain, mais la diplomatie est un processus de longue haleine, qui requiert patience et détermination. Obama a prouvé qu’il avait les deux.

About this publication