Obama’s Supreme Court Nomination Challenge

<--

Il aspire à désigner avant la fin mai le successeur du juge progressiste John P. Stevens.

La Cour suprême des Etats-Unis a tranché mardi : les photos ou vidéos de cruautés infligées à des animaux ne peuvent pas être interdites, sous peine de contrevenir au Premier amendement à la Constitution qui garantit la liberté d’expression. Cet arrêt illustre l’étendue des prérogatives attribuées aux neuf juges de la plus haute juridiction américaine, lesquelles peuvent être d’une importance capitale pour la vie des Américains (ainsi quand la Cour consacre le droit à l’avortement) ou pour le fonctionnement des institutions (quand il appartient aux juges de décider de l’issue d’une élection présidentielle controversée : George W. Bush triompha finalement d’Al Gore par cinq voix contre quatre ).

C’est dire toute l’importance du choix que devra faire, dans les semaines qui viennent, Barack Obama, appelé à remplacer le doyen de la Cour suprême, le juge John Paul Stevens, 89 ans, qui a annoncé, le 9 avril, son intention de… partir à la retraite. Nommé en 1975 par Gerald Ford, il détenait le record de longévité au sein de l’institution.

Il appartient au président des Etats-Unis de désigner les juges à la Cour suprême, lesquels sont nommés à vie; ils peuvent siéger jusqu’à leur dernier soupir, démissionner, prendre leur retraite ou – ce qui n’est jamais arrivé – être révoqués après une procédure d’impeachment comparable à celle à laquelle le chef de l’Etat peut être soumis. La nomination présidentielle est, toutefois, suivie d’une confirmation par le Sénat, en commission des Affaires judiciaires d’abord, en séance plénière ensuite.

Il est admis qu’un président choisisse un candidat acquis à ses idées politiques, même si, en théorie, il s’impose de privilégier des juristes soucieux du respect impartial de la loi. Les Démocrates envoient à la Cour suprême des progressistes, tandis que les Républicains préfèrent logiquement des conservateurs. Au gré des renouvellements (en moyenne un tous les deux ans), la balance peut ainsi pencher plutôt à droite ou à gauche (si tant est qu’on puisse employer ce dernier mot aux Etats-Unis).

Les équilibres sont néanmoins fluctuants. Un même juge peut se révéler conservateur dans les affaires d’éthique et libéral dans d’autres dossiers. Un candidat peut par ailleurs déjouer les pronostics et John Stevens en est un exemple. Le président Ford avait cru voir en lui un conservateur modéré, susceptible de convenir à une société américaine traumatisée par le scandale du Watergate, qui avait jeté le discrédit sur le Parti républicain. Le juge se révéla un frondeur, progressiste plus souvent qu’à son tour et régulièrement en désaccord avec la majorité de la Cour – notamment lorsqu’elle déclara George W. Bush vainqueur du scrutin présidentiel de 2000.

A l’heure actuelle, la Cour suprême est sous la coupe des conservateurs. Outre le président, John Roberts, nommé en 2005 par George W. Bush, quatre juges sont, en effet, réputés conservateurs (deux ont été désignés par Ronald Reagan, deux par les Bush père et fils). Nommés par Bill Clinton, Ruth Bader Ginsburg et Stephen Breyer sont des progressistes, tout comme Sonia Sotomayor – Barack Obama fit sensation en 2009 en désignant cette personnalité d’origine hispanique, la première à siéger à la Cour.

En remplaçant John Stevens par un magistrat progressiste, M. Obama ne modifiera donc pas fondamentalement la donne; malgré quoi certains élus républicains l’ont d’ores et déjà menacé de bloquer la procédure de nomination s’il optait pour un candidat par trop irrecevable pour la droite. Le président a commencé mercredi à consulter les responsables des deux camps avec la volonté de parvenir à une nomination “avant la fin mai”, au terme d’un processus qu’il aspire à voir se dérouler “en douceur, de manière civile et réfléchie”.

On imagine qu’il voudra de nouveau promouvoir une personnalité symbolisant la “diversité” américaine et les spéculations vont bon train. La rumeur lui a aussi prêté l’intention de nommer Hillary Clinton – brillante avocate dans ses jeunes années – mais, à ce stade tout au moins, on prétend à la Maison-Blanche qu’il ne s’agit que d’un canard lancé par les Républicains.

About this publication